Pendant la colonisation, la population dominée perçoit la faiblesse de ses rois et roitelets et admet la puissance des “vazaha”. Ébahie par le savoir-faire des envahisseurs, elle est intimidée, ce qui entraîne un esprit de soumission. La colonisation a fait que le peuple soumis accepte tout ce qui vient du colonisateur. Essayer de comprendre la vie quotidienne des Malgaches durant l’installation française dans leur pays s’avère intéressant. Certes, les habitants de la Grande-Île entretenaient des relations commerciales avec les Européens depuis le XVIIe siècle, mais au fur et à mesure que le temps passait, ces relations sont devenues étroites, notamment au début du XIXe siècle.
La révolution industrielle rend les pays du Vieux continent assoiffés de matières premières. Avec un appétit d’ogre, ils se mettent à conquérir d’autres continents. L’objectif principal est d’extraire d’une façon abondante les matières premières et vendre les produits finis. Pour effectuer ce schéma, il faut une stratégie bien rodée. Prêcher la bonne parole, et si les autochtones résistent, une autre solution sera trouvée ! Ces explications, on les trouve dans les manuels scolaires. Exceptées les résistants à l’installation coloniale, rares sont ceux qui ont réellement analysé la réaction des autochtones ! Les régions de Madagascar n’ont pas connu la colonisation à la même date, il faut l’avouer en toute franchise. 6 août 1896 n’était qu’une date officielle ! Le Royaume Sakalava, par exemple, était une zone portuaire ayant collaboré avec les étrangers. Zanzibarites, Arabes, puis Européens, tous ont costé leur boutres, bateaux et navires aux ports des littoraux de l’«Empire». Traite d’esclaves, trafic d’armes, et autres commerces y passent. Riches et puissants étaient les souverains. Cette situation leur a permis d’étendre leur territoire. . .
Une île d’escale. Les Européens y sont présents par le biais des Portugais. Ces derniers, puissances mondiales à l’époque, considèrent la Grande Île comme une zone d’escale et de ravitaillement. Préoccupés par le mercantilisme, coloniser la Grande île était leur dernier souci. La société malgache, en général, celle du littoral, en particulier, ne tire pas directement profit de ce marché, contrairement aux commerçants et aux nobles qui s’enrichissent de plus en plus. Si ceux-ci connaissent la valeur du piastre, les modestes pratiquent le troc jusqu’au XIXe siècle. À l’Est et au Sud-Est, les Français y étaient déjà présents. Étienne de Flacourt sillonnait la région et se considèrait comme un petit roi. Les habitants de ces régions communiquaient avec un “Vazaha”. Dès lors la colonisation de la Grande-île a été envisagée, mais elle restait timide car à l’époque de Louis XIV l’île Saint-Laurent n’était qu’une grande terre couverte de forêts, sans intérêt majeur. Bien qu’elle soit hostile à la présence de Flacourt, la société malgache du Sud-Est de Madagascar était témoin oculaire des actions du Français. C’est en bâtissant un fort, qu’il nomme Fort Dauphin, en hommage au futur roi soleil, que Flacourt devient conscient que ses empreintes resteront dans l’histoire d’une ville. L’héritage ne sera pas tout simplement un patrimoine matériel, qui deviendra ensuite un lieu de mémoire, ce sera bien au-delà, un patrimoine génétique et immatériel qui demeure dans ces régions. Le brassage culturel s’impose! Si les Sakalava entretenaient des relations uniquement commerciales avec les étrangers, les Tanosy vivaient avec un “Vazaha” dans leur région, jusqu’à ce que celui-ci abusa de leur hospitalité. Bien entendu, l’histoire s’est mal passée. La vie suit son cours, le temps passe, les rois se succèdent. Au XIXe siècle, le royaume Sakalava connaît un déclin, les Betsimisaraka sont figés bien que leurs terres soit une zone portuaire florissante, les Merina montent en puissance.
Au cœur de Madagascar, un souverain innovateur prend le relai et suit les pas d’Andrianampoinimerina, son père. Les Anglais tentent d’y pénétrer, et gagnent finalement le cœur des autochtones. Ces derniers absorbent facilement la culture occidentale, en l’occurrence celle des britanniques. Au début du XIXe siècle, seuls les nobles ont été acculturés. Ensuite, l’acculturation touche la bourgeoisie merina et la classe moyenne. Le bas peuple était toujours oublié de l’histoire. Il était dans les rizières, travaillait pour servir le royaume. Ses enfants tendent les oreilles pour écouter des “angano” pendant que les enfants des riches lisaient les contes et légendes européens. La colonisation française a marqué l’histoire de Madagascar. La fin du XIXe siècle était une époque où les Français s’installaient progressivement. D’après les historiens, c’était la période de tâtonnement. De leur côté, les grands rois et roitelets se sentent menacés. Un monarque ne doit pas montrer sa faiblesse. Se mettre à genoux est inacceptable. A part les rois qui se sont fait massacrer par le colonisateur, qui ont affiché sans complexe leur mécontentement envers les envahisseurs, certains rois ont tout de suite collaboré avec les Français, une preuve palpable. Les habitants de chaque contrée ont une différente perception. La colonisation était, en réalité, une époque incomprise pour bon nombre de la population malgache. En d’autres termes, la «pacification» et le système tâche d’huile de Gallieni n’atteint pas certaines régions enclavées. La plupart a dû attendre les années 20 pour être sous l’administration coloniale. La vie quotidienne durant l’installation coloniale a fait couler peu d’encre. En réalité, les villageois aux fins fonds de la forêt n’étaient pas au courant de ce qui se passait dans le pays. La chasse et les cueillettes se pratiquaient, l’économie était de subsistance… Faut-il rappeler que les Français ont su recouvrir l’île pendant presque dix années! Certains autochtones vivaient aisément dans les zones reculées, loin des coups de feu du colonisateur.
Iss Heridiny