La disparition de Bernard Tapie a soulevé une vive émotion en France, les téléspectateurs à Madagascar n’ont pas été aussi indifférents vu la propagation non négligeable des chaînes françaises diffusées via satellite chez nous. En passant, notons qu’il s’est déjà rendu à Antananarivo en janvier 2011 pour une courte visite dont la teneur reste à ce jour une énigme. Le magazine Jeune Afrique a rapporté qu’il a été « bluffé » par Rajoelina en venant ici, pensant qu’il pouvait, à son niveau, aider Madagascar, encore en ce temps-là mis au ban de la communauté internationale; en fait, on a voulu lui vendre l’avion présidentiel « Air Force One ». Ce qu’il a refusé poliment en répondant qu’il en possédait déjà un mais, diplomatiquement, il n’a pas manqué de dire : « Si le processus (sortie de crise) amène votre pays à procéder à des élections (…), je crois que vous aurez avec lui et son équipe, si c’est lui qui gagne, dans quelques années on va entendre en bien de Madagascar, et d’ajouter, un président jeune dans une nation jeune, c’est pas mal ». Ainsi, il en était sorti de cette visite un projet d’ouvrir « une école de formation » aux métiers du commerce, ce qui est bien maigre pour la publicité faite autour de sa venue.
Ceci étant, bon nombre d’hommes d’affaires du pays semblaient, ou le sont encore, être fascinés par le parcours de Bernard Tapie. Ne voyant en lui que le côté face de l’homme : le milliardaire repreneur d’entreprises en difficulté, ayant eu dans son escarcelle des marques de renom international comme Manufrance, Terraillon, Adidas et tant d’autres ; le gagnant qui a fait ramener à l’Olympique de Marseille (OM) la coupe de la Ligue des Champions, fait encore inédit jusqu’à aujourd’hui ; l’homme politique deux fois ministre qui a osé attaquer de front le parti politique d’extrême droite en France (le FN) et surtout ses électeurs (« Vous êtes aussi salauds que Jean Marie le Pen », leur disait-il) propos que le personnel politique correcte n’osait avancer.
Mais ces gens-là, nos hommes d’affaires taisent ou feignent d’ignorer que l’homme devenu parmi les 20 premières fortunes de France a bâti sa fortune en jouant les charognards sur les dépouilles de milliers de travailleurs, et c’est le revers de la médaille. Quand il a acheté le château de l’empereur déchu à un vil prix : le château de l’empereur déchu Bokassa, en lui disant que l’Etat français allait lui le confisquer, ou comme Terraillon qu’il a rachetée à 1 franc en 1981 et revendue à 125 millions de francs en 1986 ; démarche similaire pour les entreprises comme LooK, la Vie Claire, Wonder, Donnay sans parler de Manufrance et surtout d’Adidas revendues à des prix mille fois supérieurs. Mais s’il les a revendues plus chères, c’est qu’il les a restructurées, dira-t-on, non pas du tout, il les a dépecées de leur cœur de métier et ne mettant en valeur que leurs valeurs incorporelles (marque, brevet…) et son bagout sans pareil faisant le reste. L’exemple le plus explicatif est celui d’Adidas qu’il a « relooké », d’accord, mais en débauchant le désigner de Nike, et surtout en délocalisant la quasi-totalité de la production en Asie, voilà le vrai Tapie, non un industriel, même pas un homme d’affaires mais un affairiste. La fascination de nos soi-disant hommes d’affaires y trouve, peut-être, sa raison d’être.
M.Ranarivao