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mardi, mai 13, 2025
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Bezanozano : « la vraie religion est la vie »

Le jiro des champs.

La sauvegarde du patrimoine culturel est une tâche titanesque dans un pays comme Madagascar qui manque de moyens chronique. Le patrimoine immatériel tel que la culture n’est pas plus aisé à traiter, il est même le plus menacé.

Les traditions funéraires bezanozano sont dans l’ensemble très comparables à celles des Betsimisaraka, leurs proches voisins, car chez les premiers, les morts font l’objet d’une pierre commémorative.

D’après Raymond Decary : « les pierres funéraires sont parfois groupées au nombre d’une vingtaine. Les plus récentes sont garnies à leur sommet de grands morceaux d’étoffe blanche. Les habitants déclarent que ce sont des vêtements pour les morts qui, assurent-ils, viennent s’asseoir la nuit sur les pierres et ont besoin de se garantir contre le froid ».

Les pierres, symbole de la cohésion familiale « tsy misara-mianakavy« . A l’origine, elles sont élevées en hommage aux défunts qui n’ont pu être inhumés dans la terre de leurs ancêtres. Elles ont pour rôle de ramener l’esprit du défunt, au village natal. Mais actuellement, la population bezanozano érige une pierre commémorative des morts après enterrement d’un défunt pour faire revenir les âmes près de leur corps ensevelis et pour que l’esprit des morts ne vienne pas hanter les vivants la nuit comme disait Raymond Decary: » Il n’y a pas de coupure radicale entre vivants et morts…car les morts restent en rapport avec leurs descendants… en leur donnant ordre et conseils… au cours de leurs rêves. »

Les pierres dressées fixant l’âme du défunt : elles sont érigées dans le but de fixer les esprits des morts. Comme d’autres groupes malgaches, le peuple Bezanozano croit à la survie de l’âme après la mort. Elles se présentent comme un bloc droit projeté entre deux pierres pointues.

L’omniprésence des pierres et des bois érigés en plusieurs endroits de la région témoigne de leur importance, et de la présence constante du spirituel dans la vie quotidienne du groupe. Les pierres levées limitatives du territoire : elles sont dressées dans le dessein de délimiter les frontières du territoire Bezanozano, ce peuple étant entouré par d’autres peuples voisins. Ces pierres ont une hauteur approximative d’un à deux mètres et un diamètre de 0,5 à 1 mètre.

Les pierres levées territoriales de sous-groupes servent à marquer le territoire de chaque sous-groupe Bezanozano car auparavant, ce peuple était divisé en quatre groupes à savoir: le Vohibolo, le Vohibe, le Sahanala et le Tanambolo.

Les pierres dédiées aux vazimba font partie des objets cultes des Bezanozano. Il s’agit de « collections de pierres de taille plus ou moins grande« , destinées à servir aux sacrifices comme des bœufs, des bonbons, des poulets, en hommage aux vazimba pour qu’ils exaucent une demande ou un vœu. Le peuple effectue ce sacrifice parce que ces vazimba peuvent infliger des maladies d’après les croyances.

Les Bezanozano croient en un Dieu créateur de l’univers et en l’existence de divinités secondaires comme les Raha, Zavatra. Ils dressent donc des pierres pour ces êtres invisibles pour rendre un culte, convaincus que la vie terrestre naît d’eux. En principe, ces pierres sont alignées au nombre de trois et se distinguent par leur taille: la plus haute, se positionne au milieu des deux autres pierres et est appelée Tsangambatonjanaharibe. Les deux autres, la Tsangambatompiraisan-dRazambe située à l’est de celle-ci, est destinée aux êtres invisibles et l’autre au sud de petite taille représente les Razana.

Les pierres de fondation, représentation de l’autorité du village : ces pierres sont érigées au milieu d’un village, et représentent l’autorité, Mpifehy ou chef du village. Elles sont au nombre de deux, la première représentant le chef du village et la deuxième, les villageois ou l’épouse du chef. Des troncs d’arbres sont parfois plantés près de ces pierres et l’ensemble constitue un lieu de culte.

L’historien-muséologue Maharavo Rabekoto propose de construire un centre culturel dans la région Bezanozano.

Le bois tient une place importante dans la vie quotidienne des Bezanozano. Les Bezanozano croient que des êtres invisibles résident aussi dans les arbres. Cela confère un caractère sacré à certains arbres, lesquels peuvent même constituer des objets de culte dits « traditionnels » à savoir le jiro, le fihemba.

Le jiro, pieu sacré, lieu de culte et repère astrologique. Lorsque nous parlons de jiro, la première signification qui  vient à l’esprit est celle de « chandelle » ou « lumière ». Mais le jiro chez les Bezanozano, entretient une relation particulière avec la spiritualité. Telle une antenne en connexion avec les ancêtres et qui siège au milieu d’un village, il se présente comme un tronc de bois cylindrique. C’est devant ce jiro que les Bezanozano informent les ancêtres des événements qui vont se manifester, recueillant par la même occasion les bénédictions de ces derniers, en échange d’un sacrifice ou d’offrandes diverses. Le jiro porte les fronteaux encornés des bœufs immolés. Il est aussi à noter que le jiro est comme un repère astrologique par lequel le villageois organise la localisation de chaque nouvelle construction surtout les habitations et ce en fonction du destin de chacun. Quant au fihemba: poteau accueillant les effets personnels d’un défunt ou encore morceau d’étoffe blanche. C’est un poteau de bois élevé près du tombeau, destiné à porter des objets ayant appartenu au défunt que l’on ne peut enterrer avec lui dans son tombeau, car la croyance bezanozano dit que ces objets lui seraient  utiles dans l’au-delà. Ces objets peuvent être des tissus ou des vêtements, de la vaissellerie. Tous ces objets personnels du défunt ne peuvent effectivement, être enterrés avec lui faute de place. Certains auteurs considèrent que le fihemba est un ruban blanc qui entoure une pierre commémorative des morts, ou un ruban blanc accroché à un poteau fourchu connu sous le nom de jiro. Le jiro du village est un long poteau dont l’extrémité supérieure est cornue, planté au centre, soit au nord, soit à l’est. Pour les populations locales c’est une sorte de cordon ombilical autour duquel se crée et se construit le village. Ainsi chaque parcelle de lieu occupée par chaque case récemment construite, suivant cette conception de puissances divines assujettissant le cours des événements des villages satellites. Le jiro du village est accompagné de deux pierres levées dont la plus haute est appelée Vatondahiny ou pierre mâle dédiée au Mpifehy du village et l’autre pierre désignée Vatombaviny ou pierre consacrée à l’épouse du chef du village ou la communauté locale. Le jiro du village est un pieu où s’entretiennent les habitants de même lignée avec leurs ancêtres quand il est nécessaire de partager des informations. Il est surmonté d’un crâne de zébu transpercé, sacrifié au moment où il y a des heureux événements comme le vœu, serment et la satisfaction d’un vœu ou la réalisation d’un vœu, la cérémonie rituelle de l’excision du prépuce.

Ce type de jiro est le même pieu en bois fourchu, planté au milieu des pierres levées de commémoration des morts et revêt diverses significations. Il sert avant tout comme lieu de rencontre avec les divinités pour informer des cérémonies projetées auprès des pierres commémoratives des morts. Le jiro des pierres commémoratives des morts est comme un repère pour rappeler l’âme de celui qui est mort lorsque la dépouille de celui-ci n’est pas encore ramenée dans la terre de ses ancêtres.

Les populations procèdent à l’érection du jiro dans le but de se protéger et d’obtenir une bénédiction pour les cultures de vie. Pour cela, elles sacrifient un zébu ou apportent des prémices de riz avant ou après la récolte, lesquels sont accrochés au poteau en guise d’offrandes d’intercession ou de remerciements aux divinités et aux ancêtres. Ceci est confirmé par Jacques Faiblée: les paysans offrent aux dieux et aux ancêtres une corbeille de riz nouveau. C’est une prière en même temps qu’une offrande des prémices. Cependant, s’il y a aridité ou famine dans le village, les populations font un sacrifice d’une « vache plaine » et quand il y a inondation, elles immolent un « omby berano » qui contribue à l’endiguement de torrents.

Le patrimoine Bezanozano mérite d’être valorisé. «En vue de la valorisation, de la protection et de la diffusion des richesses culturelles bezanozano, nous envisageons d’apporter une modeste contribution par la mise en place d’un centre culturel dans le pays bezanozano » affirme Maharavo Rabekoto. Ce centre, auquel il propose le nom de la Falaise, serait une ressource susceptible de contribuer au développement de la région et en particulier des communautés locales, et de transmettre leur patrimoine aux prochaines générations, en révélant les trésors culturels bezanozano.

Les résultats des enquêtes effectuées par l’historien- muséologue Maharavo Rabekoto a amené à concevoir un centre culturel. Il existe dans le monde des exemples dont on peut s’inspirer, et qui ont une vocation d’exposition permanente et sur le mode « grandeur nature » de la culture d’un pays, d’une aire culturelle, ou d’un groupe particulier. Le centre a pour mission d’éduquer non seulement le groupe bezanozano mais aussi les citoyens malgaches. Pour cela, il amplifiera l’enseignement en développant des méthodes d’éveil sur les modes de pensées sous-jacents, les us et coutumes bezanozano avec ses spécificités, ses convictions et ses pratiques face aux autres cultures, et surtout la culture occidentale dominante et répandue, avec ses valeurs, ses logiques.

A part la conservation et l’exploitation du patrimoine culturel, un centre culturel est aussi un espace de découverte et donc de loisir. Le centre fera sentir des émotions au contact d’une région, procurant ainsi un dépaysement et emmènera le visiteur en voyage au cœur de l’histoire bezanozano. Un tel centre sera donc une opportunité pour attirer un nombre croissant de touristes tant nationaux qu’internationaux, lesquels constituent un marché potentiel notamment pour l’artisanat local, tout en renforçant les activités dans le domaine spécifique du tourisme.

Le centre culturel contribuera donc enfin de compte à capitaliser les attraits culturels touristiques et économiques de la région Alaotra-Mangoro. Ce centre doit être également un vecteur de communication à l’intention des investisseurs, en les invitant à respecter la biodiversité et la culture locales.

« Ainsi, nous avons le devoir de connaître et de faire connaître aux Malgaches la richesse culturelle de ce pays à travers les patrimoines culturels des groupes de population peu connus, en l’occurrence les Bezanozano » explique l’historien-muséologue

La génération actuelle risque d’être de plus en plus ignorante de sa propre culture d’où l’urgence que nous avons senti de créer et de multiplier des systèmes et des cadres de valorisation qui ravivent l’intérêt pour la culture nationale.

Recueilli par Iss Heridiny

 

 

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