
L’essence sans plomb à 4200 ariary, le gas-oil à 3550 ariary, le pétrole lampant à 2630 ariary. Pour une population malgache, dont la grande majorité vit encore dans une situation de pauvreté extrême, les prix à la pompe du carburant sont exorbitants.
La Banque Mondiale vient d’ailleurs de confirmer ces prix exorbitants dans sa dernière note de conjoncture économique, publiée hier, et consacrée notamment à la gestion des prix des carburants. Dans cette note, l’institution financière parle en effet du « niveau élevé et de l’instabilité des prix des carburants ».
Ecart
Une cherté qui a d’ailleurs amené les gouvernements qui se sont succédé à appliquer une politique de tarification. Pour limiter l’impact du niveau élevé et de l’instabilité du prix des carburants, les variations du cours du pétrole sur le marché mondial n’ont pas été répercutées sur le consommateur. Le prix du carburant payé par le consommateur à la pompe a été inférieur au montant qu’il aurait dû payer si le prix de référence calculé avait été appliqué. Le prix de référence calculé sert à évaluer le prix de vente final au détail du carburant, de manière à tenir compte des variations des cours mondiaux du pétrole, des taux de change et des autres facteurs de coûts fixes. Lorsqu’il y a un écart entre le prix de référence calculé et le prix de vente au détail à la pompe, cela signifie que les variations du cours mondial du pétrole ne sont pas entièrement répercutées sur le consommateur. Au lieu de cela, soit le gouvernement subventionne le prix, comme cela a été le cas en 2014 et 2015, soit il accumule des passifs envers les sociétés pétrolières, comme cela a été le cas à la fin de l’année 2018 et au début de l’année 2019.
Injustice
Mais le problème qui se pose, c’est que la subvention est une véritable injustice puisqu’elle profite en fait à une minorité de riche. « Toute politique de tarification du carburant qui amène le gouvernement à subventionner le coût du carburant profite aux riches qui sont les plus gros consommateurs de carburant. Une subvention universelle du prix du carburant profite à tous les consommateurs, qu’ils soient riches ou pauvres. Les plus grands bénéficiaires de la subvention universelle du prix sont ceux qui consomment le plus de carburant. Madagascar étant l’un des pays les plus pauvres du monde, seuls les 20% les plus riches de la population ont le pouvoir d’achat pour consommer du diesel et de l’essence. En revanche, les 60% les plus pauvres de la population consomment beaucoup de pétrole lampant mais pas d’autre carburant, ce qui explique pourquoi le prix du pétrole lampant est le plus bas. De même, ce sont surtout les plus riches de la société qui consomment des biens et des services utilisant le carburant comme intrant, les 40% les plus pauvres sont, pour la plupart, exclus. Étant donné que le carburant sert d’intrant pour la production de nombreux biens et services, il est important d’étudier l’impact que les variations de prix sont susceptibles d’avoir sur les pauvres. Parce que les populations pauvres consomment peu d’électricité, utilisent peu les transports en commun et
consomment peu de nourriture à des fins autres que la subsistance, elles sont en grande partie à l’abri des variations du prix de ces biens et services ».
Réformes
Bref, la meilleure piste est d’abandonner cette injuste subvention. Dans sa note de conjoncture, la Banque Mondiale n’exclut pas la possibilité de réduire les prix à la pompe des carburants, moyennant un certain nombre de réformes. « Les efforts du Gouvernement pour poursuivre la réforme de la tarification du carburant sont louables, le but étant de garantir que le carburant soit abordable et l’approvisionnement fiable, sans que l’État ait à en supporter les coûts, avance Natasha Sharma, Economiste principale et auteur de cette note de conjoncture. « L’option du mécanisme d’ajustement automatique des prix offrirait la possibilité à l’Etat de ne pas avoir à payer pour subventionner le carburant. Mais cette option devrait être accompagnée de mesures afin d’atténuer les effets des prix élevés et volatiles du carburant sur les pauvres », a-t-elle poursuivi. « D’autres réformes complémentaires pour accompagner l’ajustement automatique des prix devraient consister à réduire les facteurs de coûts fixes de l’importation et de distribution des carburants (tels que les coûts d’approvisionnement du carburant, les frais de stockage et de distribution ainsi que les marges des pétroliers …) et à promouvoir la concurrence des prix dans le secteur pétrolier, appuyée par la présence d’un organisme de réglementation efficace et indépendant, avec l’objectif de réduire le prix final à la pompe. À moyen et long termes, une transition vers les énergies renouvelables pourrait réduire la consommation du carburant ». Bien évidemment, ces réformes qui sont juste, des propositions émanant d’un partenaire technique et financier qu’est la Banque Mondiale, doivent être mises en place par l’exécutif malgache. Et ce, en collaboration avec les compagnies pétrolières. C’est pour cette raison d’ailleurs que, la Banque Mondiale appelle au renforcement des négociations entre l’Etat et les pétroliers.
R.Edmond.