dimanche, avril 20, 2025
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Révolte paysanne à Mampikony : Quand la légalité supplante la légitimité

Les troubles sociaux prévalant actuellement dans les 10 fokontany des districts de Mampikony et de Port Bergé (Ampampamena, Tsimijaly, Ampandroangisa, Tsararivotra, Andranomadio, Sarodrano, Antsiraka, Antsaronala, Ankijanamanga, Antanakova) pourraient s’expliquer par la contradiction entre la légalité et la légitimité. Rappelons que le litige foncier opposant des communautés de ces localités et la société COTONA Real Estate, laquelle fait partie du Groupe SOCOTA est à l’origine du problème. D’une superficie totale de 2 787 ha, le terrain en litige appartenait à un colon et a été titré au nom de Michel Wickert pendant la période coloniale. Le fokonolona qui travaillait auparavant avec ce colon réclame actuellement le droit de propriété de ce terrain. Ils continuent de l’exploiter en y cultivant le riz. Cependant, le Groupe SOCOTA, à travers la société Cotona Real Estate SA gestionnaire de son patrimoine, revendique l’expulsion du fokonolona qu’elle qualifie de squatters. Une réclamation à laquelle elle a déjà obtenu gain de cause auprès de la justice par un arrêt émis par la cour d’appel de Mahajanga, le 7 avril 2021. 

Quiproquo. Cependant, lesdits squatters persistent à occuper une partie de ce terrain alors que la société SOCOTA y a déjà installé ses employés à travers des contrats de location sous forme de partenariat avec certains membres de ces fokontany. Le problème a atteint son summum quand une décision en faveur des squatters a été prise par les autorités compétentes. Un arrêt les autorise à continuer de cultiver sur les terrains qu’ils occupent jusqu’à la maturité de leurs cultures. Bénéficiant de cette grâce, lesdits squatters ont commencé à cultiver du riz en octobre pour la moisson du mois de mars. Agissant ainsi, ils auraient, selon les informations que nous avons recueillies sur place, eu l’aval de certaines autorités notamment des élus de la localité. Or, une véritable révolte paysanne destructrice a éclaté le 7 décembre 2021 à Antsiraka dans la commune Ampasimatera lorsque 7 tracteurs sont venus pour procéder à la destruction des cultures de riz des squatters dans la localité. Cette révolte s’est soldée par la destruction de ces tracteurs ainsi que le pillage des biens de la société SOCOTA sur le site. Victime, la société a porté plainte, laquelle a entraîné les arrestations de plusieurs individus accusés d’être les instigateurs de ce mouvement. 

Arrestations massives. Mécontent de l’arrivée de ces engins, qui étaient escortés par des gendarmes, un groupe de paysans composé d’environ 400 personnes a incendié ces tracteurs avant d’aller saccager les magasins de stockage de la SOCOTA à Antsiraka. Depuis, les troubles s’accentuent et dégénèrent en de véritables actes de barbarie envers les cultivateurs affiliés à la SOCOTA, à entendre les explications de M. Victor, responsable technique de la société dans la Sofia. Une semaine plus tard, soit le 14 décembre 2022, une meute d’individus a attaqué des cultivateurs de la société à Ampandroangisy. « Non seulement, les assaillants ont volé leurs biens, mais ils sont aussi allés jusqu’à agresser nos hommes », déplore Victor. Suite à cette situation, les cultivateurs affirment avoir été obligés d’abandonner leur activité. Se plaignant en tant que victime, la société SOCOTA a porté plainte contre ces actes de vandalisme. Ainsi, des arrestations ont commencé dans la nuit du 17 janvier 2021. Selon les témoignages des habitants d’Antsiraka, environ 60 gendarmes se sont rendus sur les lieux pour arrêter les paysans soupçonnés d’avoir participé à la manifestation du 7 décembre. Ceux qui n’étaient pas appréhendés cette nuit-là ont pris la fuite pour se cacher dans les forêts en laissant derrière eux leurs femmes et leurs enfants ainsi que des personnes âgées. 

Retour en force. L’entrée en scène des forces de l’ordre a encouragé les cultivateurs de la SOCOTA à reprendre l’occupation de leurs partielles de terre. Collaborant avec les gendarmes, ils jouent le rôle d’indicateurs pour identifier les fugitifs. Mais cette connivence entre les deux parties n’a pas tardé à se transformer en une véritable vengeance envers les paysans dits réfractaires. Les hommes de SOCOTA se permettent d’entrer de force dans les domiciles des fugitifs pour violenter leurs familles et saccager leurs maisons, à entendre Elodie, dont le mari était toujours en fuite lors de notre passage dans la localité pour enquêter sur cette affaire. D’après elle, des individus se sont introduits chez elle au milieu de la nuit pour chercher son mari. « Ils m’ont intimidé par des armes tout en saccageant ma maison », se plaint-elle. Le pire est d’entendre que ces civils sont allés jusqu’à procéder à des arrestations. 

Inertie des autorités. Ce qui est étonnant dans cette affaire est d’entendre l’existence d’une certaine inertie des autorités face à la gravité de la situation dans les 10 fokontany concernés par ce litige foncier. Puisque des paysans qualifiés de squatters ont fui de leurs villages, juste à l’approche de la moisson de leurs cultures de riz, ces gens se disent victimes d’une forme d’injustice. Placés sous haute surveillance par les forces de l’ordre, les proches des fugitifs n’ont plus le droit d’accéder à leurs rizières. Les cultivateurs affiliés à la SOCOTA en ont alors profité pour procéder à la récolte de leurs cultures à entendre leurs doléances. Interrogé sur ce fait, M. Victor, responsable technique de la société SOCOTA estime que ses hommes ont agi dans leur droit parce qu’ils sont les locataires légaux de ces terrains. Une déclaration qui semble être confirmée par les responsables de l’Organe mixte de conception (OMC) du district Mampikony ainsi que le gouverneur de la région Sofia. D’après eux, cette affaire se trouve déjà entre les mains de la Justice et l’administration. On attend alors la suite de cette affaire de litige foncier.

T.M

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