Nos grands hommes boudent les « mémoires »
Guy Willy Razanamasy est parti avec ses secrets. C’était quelques années avant sa disparition et comme toujours après quelques brèves révélations, choses qu’il délectait avec plaisir, je lui ai demandé pourquoi n’écrivait-il pas ses mémoires. Et lui, avec son flegme légendaire de répondre, « Je ne veux pas encore mourir Mickey ! ». Résultat, il a emporté avec lui ce qui s’était réellement dit dans les coulisses de l’Hôtel Panorama, site où a été signée, le 31 octobre 1991, la convention qui porte justement le nom de cette bâtisse qui adosse la colline d’Andrainarivo. On ne saura jamais plus, le contenu des débats qui devaient être houleux à Mahambo entre les fédéralistes et cet homme grâce à qui, on a évité une guerre civile à cette époque à Madagascar. Et pourtant, s’il avait écrit ses mémoires, des leçons auraient été couchées pour les générations futures et surtout pour les hommes politiques actuels car, il faut le dire, les mêmes problèmes restent latents encore aujourd’hui.
Un autre protagoniste de ces moments difficiles, en la personne du Général Ramakavelo Désiré, a quant à lui évoqué le problème de son financement pour s’abstenir d’écrire ses mémoires. L’Amiral Didier Ratsiraka préfère livrer au compte-goutte ses « vérités », se contentant de quelques interviews accordées ici et là. Quand De Gaulle, Churchill ou autres grands personnages politiques ou seulement publics, le font, ce n’est pas seulement sûrement par égocentrisme, de vouloir marquer son époque ? Mais soit par le sacro-saint « secret d’Etat », soit en raison, du « devoir de réserve » les « coulisses » du pouvoir n’ont pas été ébruitées, c’est tout à fait normal, mais après, quand ils ne sont plus en exercice, ce devoir de réserve devient un devoir de mémoire. Les générations futures ont le droit de savoir à travers leurs témoignages couchés dans ces livres politiques devenus sources de la Grande Histoire. On peut évoquer le manque de culture de la lecture chez les Malgaches mais c’est justement parce qu’il n’y pas assez de livres que la demande ne se manifeste pas. Mais peut-être aussi, qu’il y a chez nous cette volonté de ne pas trahir des secrets ; de blesser quelque part nos compatriotes ; d’écorner la mémoire d’un disparu physiquement ou d’un disparu de la scène publique et c’est un peu aussi notre manière de sacraliser le pouvoir même si la monarchie n’existe plus. Quand on dit : « En Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui disparaît » Ici, on peut dire « La Pudeur est l’ennemie de la Plume ».
M.Ranarivao