Sans minimiser le sang versé lors de la «Grande marche de la liberté » sur Iavoloha, le 10 août 1991. Après 34 ans, il convient néanmoins d’analyser ce moment, de le situer dans le contexte politique national, de l’interpréter à partir de la situation géopolitique globale et enfin de le comparer avec la situation actuelle.
Il faut se remémorer qu’à Madagascar la tentative d’adopter une idéologie (socialiste) depuis 1975 a été chaotique, ponctuée de bonds en avant et de retours en arrière (nationalisation, système de parti unique, revue des relations extérieures puis tolérance du multipartisme et recours à un capitalisme monopolistique d’Etat etc…) Et avec comme résultat, une économie générale exsangue et en décrépitude, un creusement croissant entre les classes sociales et l’émergence de mouvements de contestation structurée. Tant et si bien que la position de Ratsiraka, malgré ses tentatives de redresser la barre, s’est fragilisée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
La géopolitique, justement, a été chamboulée par le dépérissement de l’Etat soviétique et de ses satellites, la guerre froide tirait à sa fin entraînant une remise en question des blocs politiques en présence. Là, « le carré » dit français en Afrique déjà gangréné par le « social impérialisme » (guerres d’émancipation nationale, instauration de système de parti unique et absence d’alternance potentielle du pouvoir) avait gagné à opérer une renaissance. Mitterrand, avec le fameux discours de La Baule,est intervenu le 20 juin 1990. Il y avait dit d’emblée que la France « souhaite que « ses » pays amis d’Afrique adoptent une nouvelle vision plus démocratique dans la conduite des affaires, c’est-à-dire plus de libertés politiques et plus de respects des droits humains, en clair, pluralisme de diversités des idées politiques avec des possibilités d’alternance ». Souhaits qui ressemblaient fort à un diktat puisque, selon lui, les appuis de la France à l’Afrique seront désormais assortis de l’adoption de cette nouvelle politique.
En somme, ici au pays, Ratsiraka n’a pas été évincé de suite mais s’est trouvé vidé de ses compétences et le nouveau pouvoir n’a pas réussi pour autant à verser dans un système politique plus parlementaire (plus représentatif ???) mais à un « truc » hybride (la notion de majorité à géométrie variable est apparue) jusqu’au retour surréaliste du président Ratsiraka.
Leçon, l’histoire politique adopte toujours un mouvement répétitif et pendulaire. Le continent noir revoit l’influence russe, cette fois (à se demander si ce n’est pas celui d’antan), avec les brigades Wagner. Et comme avant, l’on se cherche un nouvel homme, de type Ibrahim Traoré, un clone de Didier Ratsiraka, un messie pour rechercher une souveraineté nationale toujours introuvable.
M.Ranarivao