
En attendant la reprise des festivals de cinéma dans la Grande île, les films malgaches sillonnent les continents. Pour Haingosoa, les projections se passent maintenant au Douarnenez en France
Après Dakar le 1er mars, au Festival Films Femmes Afrique, « Haingosoa » le film d’Edouard Joubeaud arrive à Douarnenez le 12 mars, à 18h au cinéma Le Club. Entre le réel et la fiction, Haingosoa réunit plusieurs générations de compositeurs et de musiciens malgaches. Au bout de 72 minutes, « les personnages du film incarnent une vision alternative de leur être avec comme point d’ancrage pour le récit, l’aspiration profonde d’Haingosoa à une vie meilleure. Presque tous les personnages viennent du réel, portent le même nom et sont souvent filmés dans leur environnement propre. Néanmoins, le film joue avec cela, il exacerbe certains traits de caractère pour tendre le récit. Il s’appuie également sur le réel pour créer de l’authenticité en tirant partie des complicités déjà existantes », avance le réalisateur.
Au quotidien, à Toliara, la famille d’Haingosoa est chargée des reliques de la tradition, de la sacro-sainte solidarité familiale, avec son lot de pressions et d’obligations. La famille est ressentie comme un corps à la fois protecteur et bloquant. Quand Haingosoa décide de monter à Antananarivo, sa mère lui tend la vièle de son père, ultime relique dont elle ne voulait pas s’encombrer. Une fois installée à Tana, sa relation à sa famille se traduit par le rejet ou l’attirance qu’elle éprouve à l’égard de cet instrument. Que faire d’une telle relique ? Comment s’émanciper ? Fuir pour s’affranchir de son passé ? Le film affirme qu’une autre voie est possible, la réappropriation, la transformation, l’audace.
Le film est également le récit d’une migration à la recherche d’un avenir meilleur. Cela reflète la réalité socio-économique de Madagascar. À l’instar d’autres pays d’Afrique, les migrations économiques internes à Madagascar sont une réalité. Il s’agit bien sûr de l’exode rural mais également de migrations saisonnières. Gardiens de maison, tireurs de pousse-pousse, éleveurs de zébus, les Tandroy par exemple circulent aux quatre coins du pays, et ils ne sont pas les seuls. Le travail d’un membre de la famille permet parfois de subvenir aux besoins de 3 ou 4 parents, voire de toute une famille.
En 2010, en mission dans le Sud de l’île, il fait la rencontre de Remanindry, musicien-danseur tandroy de renommée internationale, connu pour ses musiques chamaniques transposées des cultes de possession à la scène. De la fascination à l’amitié, les deux hommes lient au fil des ans une relation de confiance jusque dans les sphères familiales devenues alors le berceau d’inspiration du film. Haingosoa se profile en 2015 : Édouard voit en Haingo, fille cadette de Remanindry, le rôle principal de son premier long métrage. De sa complicité avec cette jeune mère malgache se dessinent les contours d’une histoire où le réel invite l’imaginaire à panser un quotidien parfois éprouvant et rendre possible ce désir, si personnel à Haingo en l’occurrence, de vie meilleure. Ce film s’inscrit dans cette mixité fictionnelle et documentaire, à l’image du cinéma de Jean-Charles Hue (Mange tes morts : tu ne diras point, 2014, La BM du Seigneur, 2010) qui suit depuis plus de dix ans une communauté des gens du voyage. Une approche basée sur la fascination d’une communauté, de personnalités fortes au destin fragile, flirtant souvent avec l’imprévisible et le risque.
La projection sera suivie d’un échange entre Johary Ravaloson écrivain et Marie Clémence Paes, productrice du film avec Laterit Productions.
Zo Toniaina