Avec ce report, la presse malgache a gagné une bataille mais pas la guerre. Les menaces engendrées notamment par l’article 20 de la loi sur la cybercriminalité sont toujours là.
Une victoire pour la presse malgache et les partisans de la liberté d’expression ! C’est ainsi que l’on peut qualifier le report de l’adoption du Code de la Communication médiatisée au niveau de l’Assemblée nationale. En effet, les mouvements de contestations initiés par les journalistes et les patrons de presse regroupés au sein du « Groupement des Editeurs de Presse d’Information et du Multimédia de Madagascar » (GEPIMM) ont porté leur fruit. Après le « diabe » de jeudi dernier, les membres de la presse ont renforcé leur solidarité hier en unissant leur voix lors de la « Radio miara-manonja » émise sur les ondes de toutes les stations de radio de la capitale, ou enfin presque. De nombreuses chaînes dans les régions ont également relayé les animations. Tous les journalistes ayant participé à cette initiative étaient unanimes pour dénoncer le fait que le projet de Code de la Communication débattu au parlement n’était pas identique au projet initial élaboré à l’issue des différents ateliers organisés avec le PNUD. Il convient de signaler ici que les journalistes au niveau des autres provinces ont également organisé des manifestations pour contester le vote de cette loi jugée liberticide. A l’exemple des confrères de Toamasina qui ont organisé hier une marche silencieuse à travers la ville.
Fossoyeurs de liberté d’expression. En tout cas, les députés ont fait marche arrière face aux pressions des journalistes. 45 députés ont voté pour l’ajournement de l’adoption du Code de la Communication médiatisée tandis que 18 seulement ont voté pour. Parmi les députés fossoyeurs de liberté de presse figurent entre autres, les députés Jaona Elite, Raherisoa Vololona Victorine, Dina Romuald, Behavana Raveloarivonjy et Andriantsizehena Benja Urbain. Pour leur part, les députés MAPAR pro-Rajoelina et les membres du groupe parlementaire TIM ont soutenu les causes des journalistes. Tous, ont dénoncé « une volonté manifeste du régime à vouloir muselé la presse en vue de la présidentielle de 2018 ». A l’issue de la commission plénière, la députée d’Ambatofinandrahana, Christine Razanamahasoa a déclaré que « le Code de la Communication est un domaine très important qui a trait à la liberté d’expression prévue notamment par les articles 10 et 11 de la Constitution. L’on ne peut pas simplement survoler un point aussi important ». Et de laisser entendre au passage que « le MAPAR prévoit d’apporter des amendements à ce projet de loi dans la mesure où il existe des dispositions contraires à la Constitution et à la liberté d’expression dans ce texte ».
Dialogue. Pour sa part, le député de Tana V, Guy Rivo Randrianarisoa a lancé un appel au calme à l’endroit de toutes les entités concernées. « Il convient désormais de prioriser le dialogue pour trouver un terrain d’entente », a-t-il soutenu. Selon ses dires, « le report du vote de cette loi a été décidé pour entretenir un climat d’apaisement ». Quoiqu’il en soit, avec ce report, la presse malgache a gagné une bataille mais pas la guerre. Les menaces engendrées par l’article 20 de la loi sur la cybercriminalité sont toujours là. La lutte continue donc. Désormais, il convient de prioriser le dialogue en vue d’élaborer un nouveau projet de Code de la Communication favorisant l’approche libérale et non répressive. Reste à savoir si les tenants du régime qui ont prévu le forcing vont fléchir leur position pour garantir une véritable liberté d’expression aux citoyens. D’autant plus que cette affaire a été suivie de près par les observateurs internationaux. Après ce report, le projet de Code de la Communication médiatisée fera donc l’objet d’une nouvelle session extraordinaire du Parlement, à moins d’attendre la deuxième session ordinaire du mois d’octobre. En tout cas, même si la route reste encore longue pour une presse véritablement libre et épanouie, les journalistes ont quand même pu savourer la première victoire d’hier au cours de la « Radio miara-manonja » organisée au desk de la Radio Antsiva.
Davis R