MamyFreddy Andriamalala, docteur (PhD) en Sciences politiques (politiques publiques), diplômé de Recherche en Economie du développement et non moins Professeur d’Administration publique et d’Economie publique au département Economie de l’Université d’Antananarivo, nous livre une analyse économique et politique sur la Cogestion des îles éparses. Interview.
Quel est le fondement technique du débat sur la cogestion des îles éparses ?
Depuis les années 90, certains outils et principes de la Nouvelle Gestion Publique (New Public Management) sont utilisés par des pays tant développés que sous-développés. L’idée consiste à transposer le mode de gestion privé dans la gestion des affaires publiques. Par rapport à l’idée prônée par la France qui envisage de pratiquer la Cogestion des îles éparses appartenant légalement et légitimement à l’Etat malgache, il est utile d’apporter des éclaircissements techniques sur cette idée qui fait l’objet d’un vif débat de contestation dans la sphère politique à Madagascar. La question qu’y surgit se résume comme suit : Est-ce que ce style de management est-il applicable et pertinent pour gérer les îles éparses qui font partie du territoire de Madagascar, un pays souverain ?
Mais que signifie exactement la cogestion?
La cogestion est une des formes de gestion participative, souvent utilisée au sein d’une entreprise ou organisation ouverte. La gestion participative peut être définie comme un mode de gestion utilisant un ensemble d’instruments techniques visant à faire partager le pouvoir décisionnel et à renforcer l’assise financière afin de responsabiliser l’ensemble des acteurs dans la poursuite des objectifs organisationnels. La gestion participative peut concilier la participation financière et la participation à la gestion.
Est-ce un mode de gestion rigide ?
La gestion participative est un instrument évolutif. La participation repose à la fois, en effet, sur deux éléments : d’une part, l’engagement et la volonté des deux pays de travailler ensemble dans la valorisation des Iles éparses ; et d’autre part, sur des facteurs externes liés à l’évolution économique, technologique, sociale et politique. Les interactions entre ces deux éléments peuvent à tout moment modifier l’équilibre de l’organisation et demander un ajustement de la cogestion mise en place.
Est-ce que l’Etat malgache a une marge de manœuvre pour récupérer les îles éparses ?
L’histoire économique et politique de Madagascar montre que l’Etat malgache est un Etat subordonné. Un Etat économiquement dépendant d’un Etat puissant a tendance à appuyer, dans son comportement extérieur, la politique étrangère de l’Etat puissant. Nul n’ignore que l’Etat malgache et l’Etat français sont dans une relation de subordination. La question d’autonomie et de complémentarité est reléguée en seconde position. Le contexte de la mondialisation a beaucoup changé la pensée et la pratique des relations tant politico-diplomatiques qu’économiques internationales. Bref, la mondialisation érode la souveraineté nationale et rend l’Etat malgache subordonné. Qui est coupable ? Le régime en place ou la mondialisation ?
Vous, en tant que spécialiste, quelle est votre recommandation pour gérer et valoriser les îles éparses ?
Je dis oui à la participation aux résultats et non à la participation à la propriété partielle ou complète. La participation aux résultats est une forme de Cogestion. Elle consiste à intéresser la France aux résultats de l’exploitation économique de ces îles éparses en lui demandant de fournir les investissements nécessaires. Elle peut s’effectuer par plusieurs modalités, entre autre par le moyen de la participation aux bénéfices selon un pourcentage prédéfini. La forme de participation complète implique le rachat des îles éparses par la France où cette dernière souhaite gérer les îles éparses sous tous ses aspects : production, financement, etc. La participation partielle permet à la France de devenir copropriétaire des Ils éparses dans lesquelles elle utilise son argent ou ses entreprises. La participation de la France à la propriété que ce soit partielle, soit complète, est inadmissible. Pourquoi ? Parce qu’au vu et au su de la communauté internationale et du peuple malgache, les îles éparses appartiennent bel et bien à l’Etat malgache. De ce fait, Madagascar devrait percevoir des redevances issues des futures exploitations : mines, tourisme et ressources halieutiques et des divers impôts tels que les impôts sur le bénéfice des sociétés, l’impôt sur les revenus, les taxes de pollution.
Recueilli par Antsa R.