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lundi, décembre 22, 2025
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Collectif Gen Z Madagasikara : Entre quête de légitimité et aspiration à un changement profond

Assemblée Citoyenne – Collectif Gen Z Madagasikara, au Stade Barea Mahamasina, samedi 20 décembre 2025.
La Gen Z, acteur clé des manifestations qui ont conduit à la chute du régime Rajoelina.

25 septembre 2025 – 20 décembre 2025. Trois mois, presque jour pour jour. Un laps de temps court à l’échelle de l’histoire politique malgache, mais suffisamment dense pour marquer une rupture générationnelle assumée. En l’espace de quelques semaines, le mouvement Gen Z Madagasikara est passé d’une dynamique de revendications sociales portées sur les réseaux numériques à un acteur central d’une mobilisation nationale ayant contribué à la chute du régime Rajoelina et à l’installation du régime dit de Refondation de la République. Un basculement majeur, dont la jeunesse revendique aujourd’hui la paternité tout en cherchant encore sa pleine légitimité politique.

La Gen Z Madagasikara n’est pas un mouvement classique. Elle ne s’est ni construite autour d’un leader unique, ni inscrite dans un parti traditionnel. Elle s’est imposée par l’énergie d’une génération connectée, informée et profondément critique vis-à-vis des schémas politiques hérités. Une génération souvent incomprise, parfois caricaturée, accusée tantôt d’idéalisme naïf, tantôt de radicalité excessive. Pourtant, derrière l’apparente spontanéité, se dessine une architecture politique et citoyenne de plus en plus structurée.

Se sentant de nouveau lésée par la même classe politique en place au moins depuis près de deux décennies, la Gen Z Madagasikara affiche une volonté claire de s’impliquer activement dans la vie politique du pays. À l’origine des manifestations qui se sont étalées du 25 septembre au 11 octobre, ce mouvement de jeunes revendique aujourd’hui la poursuite d’une révolution qu’il estime inachevée.

En effet, au fil des jours, un sentiment d’amertume s’est installé au sein du collectif Gen Z Madagascar. Nombreux sont ceux qui estiment que la dynamique initiale a été confisquée par des acteurs politiques traditionnels, tandis que le projet de refondation aurait dévié de ses objectifs premiers. L’enthousiasme suscité le 11 octobre, marqué par le ralliement du CAPSAT aux manifestations, a rapidement laissé place à une certaine méfiance.

Cette désillusion marque toutefois un tournant. Loin de se retirer, la jeunesse cherche désormais à se structurer pour peser durablement sur les décisions publiques. Contrairement aux mouvements précédents, souvent récupérés ou essoufflés, la Gen Z affiche une conscience politique plus affirmée et une vigilance accrue face aux tentatives d’instrumentalisation.

Transformer l’élan populaire en un contre-pouvoir structuré :

Le Collectif Gen Z Madagasikara se définit avant tout comme une plateforme citoyenne transnationale, portée par la jeunesse malgache du pays et de la diaspora. Sa vision repose sur une refondation démocratique souveraine, pensée à partir des réalités locales et non de modèles importés. Souveraineté nationale, transparence, participation citoyenne et dignité collective constituent le socle idéologique du mouvement. Une posture qui traduit une rupture nette avec les pratiques politiques perçues comme opaques, clientélistes ou déconnectées du vécu quotidien des citoyens.

L’Assemblée citoyenne tenue récemment, trois mois après le lancement officiel du mouvement, illustre cette volonté de passer d’une mobilisation émotionnelle à une organisation durable. Rétrospective, clarification interne, débats ouverts et projection vers l’avenir ont rythmé cette journée charnière. L’objectif affiché : transformer l’élan populaire en un contre-pouvoir structuré, capable de durer au-delà de l’événementiel et des transitions politiques.

Au cœur des discussions, la question de la gouvernance interne. Consciente des écueils ayant fragilisé de nombreux mouvements citoyens avant elle, la Gen Z Madagasikara mise sur la redevabilité, la transparence et la participation comme principes opérationnels. Tables rondes et ateliers ont permis de clarifier les niveaux d’engagement, les mécanismes de décision et les relations avec les collectifs partenaires, qu’il s’agisse d’organisations étudiantes, de mouvements populaires ou de plateformes d’expertise citoyenne.

Acteur de vigilance et de pression citoyenne :

Cette structuration s’appuie sur un écosystème militant élargi : Assedu Mada, Gen Z Ankatso, associations polytechniques, collectifs citoyens de proximité comme Taninjanaka, ou encore des plateformes stratégiques telles que le PSOM et le KMT. Autant de relais qui traduisent une ambition claire : ancrer la mobilisation de la jeunesse dans les réalités sociales, économiques et territoriales du pays, tout en assurant une veille citoyenne sur les dynamiques nationales.

Politiquement, le mouvement affirme une ligne de crête délicate. Ni parti, ni simple force de rue, Gen Z Madagasikara se positionne comme un acteur de vigilance et de pression citoyenne dans le processus de refondation. Lors de l’Assemblée, des « lignes rouges » ont été clairement posées : refus de toute récupération politique, rejet de la corruption, défense des libertés fondamentales et exigence de réformes institutionnelles justes, inclusives et transparentes.

Une Charte en guise de boussole idéologique :

La Charte Génération Z, rendue publique, formalise cette vision. Elle se veut un contrat civique entre la jeunesse, la société civile, les forces politiques et les institutions. Transparence absolue, justice sociale, responsabilité collective, éducation, fihavanana et firaisankina y sont érigées en principes fondateurs. Plus qu’un texte programmatique, la Charte sert de boussole idéologique, assumant une refondation pensée « par le bas », à partir des fokontany et des communes, intégrant pleinement la diaspora comme prolongement du peuple malgache.

Au-delà des discours, l’enjeu majeur reste celui du temps long. La Gen Z Madagasikara sait que l’histoire récente du pays est jalonnée de mouvements citoyens éphémères, portés par la colère mais dissous par l’usure. En projetant dès à présent ses actions vers 2026 et au-delà, le collectif tente de rompre avec cette fatalité. Former, veiller, alerter, proposer : la jeunesse entend désormais s’inscrire dans la durée.

Trois mois après son émergence, la Gen Z Madagasikara apparaît ainsi à un tournant. Ni messianique, ni marginale, elle incarne une génération qui refuse d’être spectatrice de son avenir. Reste à savoir si cette énergie saura se traduire en transformations institutionnelles concrètes. Une certitude demeure : la jeunesse malgache a cessé de demander la parole. Elle la prend, et entend bien la conserver.

Dossier réalisé par Julien R.

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