Parmi les opérateurs victimes des pillages du 26 janvier 2009, très peu ont pu redémarrer leurs business. La majorité d’entre eux ont coulé, sans appui ni soutien de l’Etat, malgré les nombreuses promesses des dirigeants. Aujourd’hui, cinq ans après, ces opérateurs ne demandent qu’un environnement sain, sécurisé et favorable aux affaires. Interview de Ranaivo Andry Herinjaka, le fondateur de Concept, plus connu sous le pseudo Andry Concept.
Midi Madagasikara. Cinq années sont passées après le fameux lundi noir, avez-vous toujours des revendications ?
Andry Concept. Les dirigeants ont bel et bien fait des promesses au lendemain du lundi noir. Cinq ans après, nous ne nous attendons plus à ce qu’ils les réalisent. Par contre, nos attentes concernent plutôt le retour à la stabilité. Certes, l’existence d’un président élu avec le retour à l’ordre constitutionnel est un grand pas vers cet objectif, mais il faut également la bonne moralité des dirigeants et de la population, pour que ce genre d’incident du 26 janvier 2009 ne se reproduise plus jamais.
Midi. En tant que victime du lundi noir, quelles sont vos vraies attentes ?
Andry Concept. Nous voulons une sensation de sécurité, pour ne plus avoir à mettre des dispositions spéciales, à l’exemple de la patrouille permanente des forces de l’ordre dans la Capitale, qui traduit la persistance de l’insécurité. Ce qui nous froisse également, c’est le manque de considération. Les dirigeants devraient au moins reconnaître le fait que nous étions de vraies victimes, que nous avons besoin de soutien moral, et que nous devons être rassurés que nous ne risquons plus de revivre cette tragédie du lundi noir.
Midi. Où en sont ces victimes, aux jours d’aujourd’hui ?
Andry Concept. Après les pillages, seulement 40 % des victimes ont pu redémarrer leurs affaires. Ils sont pourtant des jeunes opérateurs malgaches qui sont partis de zéro et qui avaient de bons succès jusqu’à ce que cet incident n’arrive. Comme par hasard, ils ont tous été frappés, comme si les pillages étaient ciblés. Aujourd’hui, quand on visite les centres commerciaux comme CITIC ou Suprême, on se rend compte que les opérateurs malgaches qui ne se sont plus relevés de cette chute sont remplacés par des étrangers. Bref, leur succès est tombé à l’eau.
Midi. Comment Concept a-t-il pu survivre à cette tragédie ?
Andry Concept. C’est grâce à nos partenaires. Après la casse, un de nos clients a accepté de nous fournir provisoirement un local pour poursuivre notre commerce. Par ailleurs, un fournisseur étranger, envers qui nous étions fidèles, a appris ce triste évènement et a accepté de nous approvisionner, malgré notre incapacité de respecter convenablement les échéances. Si Concept a surmonté le choc, c’est grâce à ses collaborateurs. Malheureusement, ce n’est pas toutes les victimes qui ont eu cette chance.
Midi. Quelles ont été vos pertes ? Vous n’avez donc pu rien récupéré ?
Andry Concept. Dans les magasins, nos pertes ont été totales. Nous étions obligés de choisir entre laisser les gens prendre les marchandises, ou intervenir et risquer de tuer quelqu’un. Evidement, notre choix était de leur laisser faire. Pour Concept, la valeur des marchandises pillées est évaluée à 1,2 million USD, soit près de 2,4 milliards d’Ariary. Ces marchandises étaient pourtant achetées à crédit chez les fournisseurs, une pratique habituelle pour tous les autres opérateurs. Mais après une telle situation, l’objectif des victimes n’était plus d’amasser des bénéfices, mais de pouvoir payer les dettes des fournisseurs, pour pouvoir enfin revenir au niveau zéro. Bref, nous avons perdu nos marchandises, et en même temps notre crédibilité envers les fournisseurs. En conséquence, les activités ont été bloquées. En outre, plus de 950 employés ont perdu leurs emplois en un jour.
Midi. Avez-vous quand même bénéficié de mesures incitatives pour relancer vos activités ?
Andry Concept. Nous n’avons rien obtenu. A la place, nous avons fait face à un redressement fiscal. Même ceux qui ne se sont plus relevés ont été frappés par le fisc. Certains opérateurs n’ont pas supporté cette situation et ont fini jusqu’à perdre leur vie. Aujourd’hui, les opérateurs sont toujours craintifs. On n’ose plus faire des investissements importants, faute de sécurisation. Ce comportement se voit même chez les consommateurs finaux. Ces derniers sont plus réticents aux produits destinés à l’investissement. Nous voulons que les dirigeants prennent tout cela en considération. Il faut assurer la sécurité des affaires. Selon la Culture malgache, nous devons nous soutenir en cas d’incident sinistre. Une simple preuve de solidarité des dirigeants pourrait nous rassurer et nous inciter à investir sans crainte. Dans tous les cas, notre souhait est d’avoir un environnement favorable pour les affaires, et d’être rassuré que le lundi noir ne se reproduise plus jamais.
Antsa R.