
L’absence des subventions communales n’a jamais empêché cette commune de bien gérer son budget de fonction. Cela, car elle a opté pour la responsabilisation de la population, preuve de bonne gouvernance.
Le taux de recouvrement fiscal n’a jamais été en dessous de 50% pour la commune rurale d’Antanamitarana, district de Diégo II, région Diana, durant les cinq dernières années. En 2013, ce taux de réalisation a été déjà évalué à 83,45%. Et chaque année depuis 2011, la commune a pu réaliser 56,92%, 74,45%, 57,38% et 60,91% de taux de recouvrement. Alors que dans une commune avoisinante, cette valeur ne dépasse pas les 35 à 45%. Quelle est la clé d’un tel succès pour la commune d’Antanamitarana? «Lors des descentes au niveau des fokontany, les populations locales sont régulièrement sensibilisées à s’acquitter de leurs impôts. Et nous faisons en sorte que tous ceux qui payent ces impôts reçoivent en retour une quittance. Cela, pour créer la confiance entre les populations et les responsables hiérarchiques», a confié Amina, maire de la Commune rurale d’Antanamitarana. Cela répond à quelques principes de la bonne gouvernance, puisqu’il s’agit de faire participer les populations dans le développement de la commune. Ici, les principes de transparence et de responsabilisation prennent effet.
Ainsi, bien que ladite commune, comme la plupart d’entre elles d’ailleurs, n’a pas encore bénéficié des subventions communales depuis des années, elle ne se trouve presque jamais en situation de difficulté financière. Surtout qu’en matière de gouvernance et de développement local, l’on sait que les ressources transferées aux collectivités territoriales décentralisées ou CTD (les provinces, les régions, les communes) ne dépassent pas 1% du budget national. «Ce sont seulement les investissements qui sont quelques peu perturbés», témoigne le maire. Mais comment se fait-il que la commune d’Antanamitarana ait enregistré autant de succès? Amina raconte: «Tout d’abord, nous faisons organiser régulièrement par les habitants des activités économiques qui garantissent les ristournes pour la commune, notamment des ventes de légumes, des activités d’élevage de volaille et de cheptel. Sans oublier les travaux liés à l’exploitation des carrières et ceux liés à la pèche, etc. Après l’organisation de chaque événement, les budgets réalisés sont toujours affichés dans un tableau à la portée de tout le public». «Par ailleurs, nous organisons également les «Tsenan-ketra» pour se rapprocher davantage des contribuables. Et au niveau des fokontany, nous ne délivrons aucun permis de construire à qui que ce soit s’il ou elle ne s’est pas encore acquitté de ses impôts», poursuit Amina.
Un bon point en IGL. Divers paramètres permettent d’affirmer que cette commune a fait des progrès en matière de développement local. Ce n’est pas pour rien qu’elle a remporté la note IGL (Indice de Gouvernance Locale) de six points sur dix en 2015, contre huit, il y a quelques années. A noter que l’IGL est un outil d’évaluation au niveau communal concernant la gouvernance locale. La recherche permanente de partenariat a contribué à l’acquisition de ces bons résultats. Car faut-il rappeler qu’avec l’appui de ces partenaires techniques et financiers, la commune a déjà a permis la construction de plusieurs infrastructures de base, à savoir une station de traitement d’eau permettant à ses 6 227 habitants d’avoir accès à l’eau potable, quatre Ecoles Primaires Publiques (EPP), un lycée en 2012 et un Collège d’Enseignement Général (CEG) en 2014. Et récemment, c’est-à-dire en 2014, un Centre de Santé de Base niveau II (CSBII) a vu le jour à Antanamitarana. La mise en place de ces diverses infrastructures contribue à lutter contre la pauvreté. Soulignons alors que cette commune travaille déjà avec de nombreux partenaires qui lui fournissent tous les appuis dont elle a besoin en matière de développement local. On peut en citer quelques-uns: Bianco, Soroptimist International, Colas, Aide et Action, Sage, Gender Links, JCI, Fondation Orange, FDL, GIZ (ProDéCID), etc.
Les PDF en marche. En fait, au niveau de cette commune, les standards de service sont tous en marche (port de badge pour tout le personnel de service y compris le maire, la délivrance de tous les actes administratifs, les affichages divers,…). «Outre le Plan communal de développement, nous avons également déjà mis en place notre propre Plan de développement des fokontany», poursuit le maire. Cette commune a été prise comme exemple pour montrer que le développement local est tout à fait possible malgré l’absence des appuis financiers venant de l’Etat central. La clé, c’est d’avoir des équipes dirigeantes ayant le sens du leadership et de bons managers. Sans pour autant dire chercher l’émergence de nouvelles élites. Si l’on veut faire des communes un moteur de développement, tout est question de bonne gouvernance.

Madagascar : Une décentralisation non encore effective. A l’exception de quelques CTD, la décentralisation n’est pas encore effective à Madagascar. Si cette décentralisation consiste à transférer les compétences et les ressources (moyens) vers les collectivités territoriales autonomes, ce n’est pas vraiment le cas dans le pays. Souvent, ce sont les compétences qui sont transférées avec l’organisation des élections communales, mais non pas les moyens, à l’exemple de l’absence des subventions communales. Et si le mécanisme de décentralisation veut que les chefs de régions soient des personnes élues, ce n’est pas encore le cas. Et aucune élection n’est encore programmée pour les chefs de provinces.
A Madagascar, il existe 1695 communes qui font partie des CTD. Mais bon nombre d’entre elles pensent encore que la clé d’un développement local assuré est l’obtention des subventions communales. Ce qui n’est pas totalement faux. Mais pour les communes affichant déjà de bons résultats, ces subventions leur permettent seulement de programmer des investissements. Le problème à Madagascar, c’est que bon nombre des personnes élues ne sont pas à la hauteur de leur fonction, tendant ainsi à la déprofessionnalisation des décisions.

GIZ/ProDéCID : Faire des communes un moteur de développement. Le ProDéCID ou Projet de Développement Communal Inclusif et de Décentralisation est mis en œuvre par le GIZ et sa durée d’exécution est de trois ans. Le projet couvre trois régions de Madagascar (Diana, Boeny et Analamanga), en fournissant des appuis techniques en matière de développement local pour 70 communes. Le but est de travailler pour les 243 communes des trois régions, voire les 1695 communes dans tout Madagascar. Concrètement, le ProDéCID fait en sorte que les élus au niveau des CTD puissent être à la hauteur de leur fonction. Puis, il est également question d’instaurer un développement local conditionné par la bonne gouvernance qui requiert la responsabilisation des populations locales, cela à travers le paiement des impôts communaux. Outre les aides que le projet fournit déjà aux CTD, il a également permis à 38 journalistes issus de presque tout le pays d’acquérir de nouvelles connaissances et du savoir-faire en matière de décentralisation. Ces journalistes ont donc bénéficié d’une formation sur la thématique évoquée et le développement communal pendant quatre jours dans la capitale de la région Diana, la semaine dernière. Cette initiative a ainsi pour objectif d’outiller les journalistes afin de leur permettre de mener des enquêtes et/ou des investigations en matière de décentralisation et de développement local au niveau des CTD.
Dossier réalisé par Arnaud R.