« Qui êtes-vous pour me corriger ? Qui êtes-vous pour vous permettre de plonger dans la politique ? Osez encore vous exprimer et vous serez en prison ! ». Et les expressions sont loin d’être exhaustives quand on parle de la fameuse culture du « mifanindrinindry », ou culture du dominé-dominant. Reléguée au second plan, elle anéantit la politique, l’économie, le sociale et la culture de tout un pays. C’est dans cette optique que la fondation Friedrich Ebert Stiftung (Fes) avec le Kis ont organisé hier, au Café de la Gare Soarano, une conférence axée sur le thème « La culture du « mifanindrinindry » et ses impacts sur la population et la nation ».
« Pouvoir interdictif ». Le cas de Madagascar est pire car entre Malgaches, le « petit » est soumis ou se soumet volontairement (c’est selon) aux « forts » et aux dirigeants mais face à la communauté internationale, ces derniers s’assujettissent et cèdent aux « standards » des grands pays et des grandes institutions internationales. Sommes-nous loin d’être étonnés, par exemple, que la communauté internationale impose le « ni…ni » en 2013 puis le retire en 2018 ? Et tout le monde suit. « C’est à cause de l’argent », avance Yvan Fabius, intervenant et président de l’association Ino Maresaka à Tamatave. L’historien Hemerson Andrianetrazafy, un autre intervenant, va loin : « ce sont ceux qui ont le pouvoir interdictif qui se permettent d’utiliser la domination pour assujettir les autres ».
Mauvaises techniques. Ludonie Velotrasina, chercheure en philosophie et intervenant, estime quant à elle que cette domination des dirigeants trouve sa source dans les textes de loi. « Ce sont les textes qui renforcent cette culture. En fait, à Madagascar, si la population a toujours été considérée comme un enfant, les dirigeants sont les parents qu’il faut à tout prix respecter », soutient-elle. En malgache, dit-on par exemple, « Filohampirenena hajaina ». Propos appuyés par Hemerson Andrianetrazafy : « La politique, c’est comme un jeu de billes. Il n’y a aucune règle, mais les « mpanindry » imposent les leurs aux autres. Il suffit de parler à haute voix, d’utiliser un regard menaçant et de faire beaucoup de gesticulations pour qu’on ait un peu de pouvoir par rapport aux autres », transmet-il. Bref, de mauvaises techniques.
Oser refuser. Par rapport à ce problème culturel, Hilda Hasinjo, journaliste et membre du parti RDS, lance un appel : « Il faut oser dénoncer, refuser et se révolter. Cela ne veut pas dire que forcément, il faut descendre dans la rue ». Yvan Fabius et Ludonie Velotrasina ont eux appelé à la conscientisation et à l’éducation de chacun. Mais surtout, cette dernière propose un changement de la structure économique. Décidément, il y a du pain sur la planche !
Aina Bovel