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mardi, juin 24, 2025
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Conflit israélo-iranien : « Pris au piège des missiles, j’ai vu la guerre de trop près » témoigne le journaliste de MIDI Madagasikara

Pris au piège par le déclenchement soudain du conflit entre Israël et l’Iran, notre journaliste Devaux livre un récit poignant de ses sept jours d’angoisse. Un témoignage brut, de la première sirène paralysante à la fuite éprouvante par la route, qui révèle la peur, la résilience et une incroyable fraternité face au chaos. Il a été invité par le ministère des Affaires d’Israël pour un voyage de presse pour voir de près la réalité du terrain sur le terrible événement du 7 octobre 2024 et ce qui s’y passe 18 mois après.

Vendredi 13 – La peur en guise de réveil

Le départ était prévu pour le vendredi 13 juin, à 5h50 du matin. Il est 2h40 lorsque je sors de la douche, prêt à effectuer les derniers préparatifs. Mon téléphone vibre : une alerte de tremblement de terre. Étrange. Rien ne bouge dans la chambre. Quand j’ai effectué mon check-out à la réception, j’ai demandé au réceptionniste. Il m’a répondu « Ce n’est pas un séisme… Israël a frappé l’Iran.

Je tente de garder mon calme. À 3h06, comme prévu, mon taxi arrive. Direction : l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. C’était le même chauffeur qui m’a accueilli à l’aéroport à l’arrivée, on a commencé à discuter de mon séjour en Israël. Puis, quelques kilomètres avant l’entrée de l’aéroport, le chauffeur ralentit. Il vient m’annoncer: « L’espace aérien est fermé. Personne ne part. Vous allez retourner à l’hôtel ». L’annonce me tombe dessus comme une chape de plomb. Je suis encore dans le déni. Nous décidons tout de même de continuer car nous allons récupérer quelques passagers dans le même cas que moi.

Mais à 3h40, à peine entrés dans l’enceinte de l’aéroport, les sirènes retentissent. Tous les voyageurs sont dirigés vers un abri souterrain. Le visage crispé, les yeux cernés, chacun essaie de contenir son stress. Deux alertes successives. Le cœur bat la chamade.

C’est la première fois que j’entends ce genre de sirène. Elle ne ressemble à rien de ce qu’on peut vivre dans un monde en paix. C’est stressant. J’ai entendu parler de la sirène tout au long de mon séjour, mais, cette fois-ci, je l’entends de mes propres oreilles.

Vers 5h20, je suis de retour à l’hôtel, le vol officiellement annulé. Mon séjour est prolongé… mais jusqu’à quand ? Personne ne peut le dire. Tout dépendra de l’évolution de cette guerre qui vient de commencer.

Tel Aviv sous tension, mais debout

Le 13 juin au matin, Tel Aviv se réveille sous tension. Pourtant, à ma grande surprise, la ville semble continuer de respirer. Les Israéliens sont calmes, presque impassibles. Je m’interroge. Comment peuvent-ils agir comme si de rien n’était alors que le pays est en guerre ?

Les réponses viendront vite. « Nous sommes habitués. C’est la résilience israélienne », me confie un jeune Telavivien rencontré sur la promenade du front de mer. « Nous avons appris à vivre avec et la vie continue ».

Et effectivement, à « Tayelet », le quartier où se trouve notre hôtel, la vie suit son cours. Les habitants jouent au beach-volley sur la place, marchent et effectuent leur running quotidien le long de la mer, prennent un café en terrasse. Les touristes se mêlent à cette vie presque normale.

Mais à la nuit tombée, c’est tout une autre ambiance. À 20 heures, la sirène retentit à nouveau. Dans l’hôtel, les clients se ruent dans les escaliers, rejoignant en panique le « shelter », ce sous-sol renforcé que chaque bâtiment possède.

Cette nuit-là, les sirènes retentissent à plusieurs reprises. Le sommeil devient un luxe inaccessible. Dormir n’est pas recommandé, surtout dans une chambre à l’étage. À chaque nouvelle alerte, il faut descendre, vite, parfois en pleine nuit, pieds nus, encore à moitié endormi.

Dans l’abri, pourtant, quelque chose d’étonnant se passe. Ce n’est pas la peur qui domine, mais une étrange chaleur humaine. Juifs, chrétiens, musulmans, hindous… tous unis dans la même vulnérabilité. On se parle, on s’encourage, on prie ensemble, on chante même parfois. Une famille éphémère née de l’adversité.

14, 15 et 16 juin – Les nuits blanches sous les bombes

Les jours passent et l’intensité des attaques augmente. Les 14 et 15 juin, Tel Aviv est ciblée à plusieurs reprises. Les nuits sont longues, ponctuées par les alarmes, les explosions lointaines, et cette angoisse qui ne quitte plus les tripes.

Pour éviter de faire le va-et-vient entre ma chambre au 18e étage et le sous-sol, je prends une décision : rester au « shelter » pour la nuit entière. Mieux vaut ça que monter et descendre de là où je me suis mis en sécurité et je pourrais me reposer .

Le 16 juin, à 4h20, une explosion d’une violence inouïe secoue notre hôtel. Les murs vibrent. A la levée de l’alerte, je regarde sur le balcon. Une colonne de fumée noire s’élève à 300 mètres. Les Iraniens frappent maintenant les quartiers résidentiels, les zones civiles. La guerre est totale.

À ce moment précis, j’ai eu peur. Je me suis senti à la merci d’un destin que je ne maîtrisais plus. J’élève ma prière à tout moment. Je savais aussi que je n’étais pas seul. Les responsables israéliens me contactent régulièrement, veillant à ma sécurité, m’informant sur l’évolution de la situation. Ils cherchaient une solution de sortie.

Le tournant du conflit a changé désormais, les alertes ne se limitent plus aux nuits. Elles éclatent à toute heure, y compris pendant les repas. Il faut parfois quitter son assiette encore chaude pour se réfugier. Chaque moment de la journée est une course contre la montre.

Mais Israël s’adapte. Les abris sont partout : hôtels, maisons, parkings souterrains. La population vit avec, parce qu’elle n’a pas le choix.

17 juin – Une échappée incertaine vers la Jordanie

Le 17 juin devait marquer mon départ définitif de Tel Aviv. Une nouvelle tentative, cette fois via la Jordanie. Tout a été organisé avec l’aide précieuse des autorités israéliennes. À 8h35, notre car quitte l’hôtel. Mais à 8h38, alors que nous n’avions parcouru que quelques centaines de mètres, la sirène retentit à nouveau. Le car s’arrête en urgence. Nous courons vers un hôtel voisin pour rejoindre leur abri. L’attente est brève, mais l’angoisse, elle, reste tenace.

Une fois l’alerte levée, nous reprenons la route vers la frontière. Après 2h30 de trajet, nous arrivons au poste-frontière israélien. Nous effectuons les procédures. Nous passons de l’autre côté, en territoire jordanien. Nouveau car, nouvelles procédures.

Mais là encore, la foule est dense. Beaucoup de touristes, bloqués en Israël, ont opté pour cette échappatoire. Les formalités sont longues. Il faut avoir le visa jordanien et respecter les formalités d’entrée sur le sol jordanien. L’attente est éprouvante. Là, je remercie le ministère des Affaires Étrangères d’Israël et l’ambassade d’Israël en Jordanie qui ont fait le nécessaire pour permettre le transfert.

Nous atteignons Amman en fin d’après-midi. Mais le calme est trompeur. Les missiles iraniens passent aussi par l’espace aérien jordanien. Les sirènes y retentissent également. La guerre dépasse les frontières.

19 juin – Le vol du soulagement

Deux jours plus tard, le 19 juin, je me rends à l’aéroport d’Amman. Il est 7h du matin. Une nouvelle alerte retentit. Quelques heures plus tard, les médias annoncent qu’un missile iranien a frappé l’hôpital Soroka à Beer-Sheva dans le sud d’Israël. Les civils sont toujours les premières victimes.

Enfin à 10h30, ouf, mon avion décolle. Aujourd’hui, je ne suis pas prêt de l’oublier cette semaine qui a bouleversé ma vie. Elle m’a confronté à la mort, à l’impuissance, mais aussi à la résilience. J’ai vu un peuple debout au cœur de la tourmente. J’ai partagé des instants de silence et de solidarité avec des inconnus qui, comme moi, cherchent juste à survivre.Je ne retiens pas seulement les sirènes, les bunkers, les explosions. Je retiens surtout les regards, les gestes, les mots d’encouragement échangés dans l’urgence. La guerre détruit, mais elle révèle aussi l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau.

La Rédaction

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