Président de la Commission Economie et Planification à l’Assemblée Nationale, le député de Madagascar Ndremanjary Odilon estime que la stabilité politique est la garantie de la relance économique. Ce jeune analyste financier qui a suivi des formations en Angleterre et en France, notamment dans le domaines des finances internationales, estime qu’il est maintenant temps de concentrer les efforts pour le développement économique du pays qui est dans un tournant décisif de son histoire économique. Interview.
Midi Madagasikara : En tant que Président de la Commission Economie et Planification de l’Assemblée Nationale, vous avez suivi de près l’évolution de l’économie du pays. Quelles sont les perspectives pour l’année 2019 ?
Ndremanjary Odilon : « Effectivement, en tant que parlementaire, notre mission est de contrôler les actions gouvernementales, notamment à travers la loi de finances. Pour 2019, la loi de finances est déjà adoptée et elle détermine les actions du gouvernement pour l’année. Au chapitre des bilans, la situation est plutôt encourageante notamment au niveau de nos relations avec le Fonds Monétaire International. En effet, on va boucler cette année la Facilité Elargie de Crédit, un financement de 300 millions de dollars sur trois ans et demi, accordé par le FMI pour appuyer Madagascar dans ses efforts de relance économique. On est également dans un tournant décisif puisque le pays aura bientôt un nouveau Président de la République. A mon avis, les conditions sont maintenant réunies pour que l’on puisse s’atteler aux actions pour le développement et, en tant que représentant du peuple, nous allons apporter nos contributions pour les biens de l’ensemble du pays »
Midi Madagasikara : D’après vous, quelles sont les priorités du moment ?
Ndremanjary Odilon : « Je pars toujours de la loi de finances. Et sur ce point, j’estime que l’un des facteurs les plus importants, c’est la bonne gestion des dépenses publiques. Notamment en ce qui concerne les subventions accordées à la Jirama. Même si elles sont inévitables car elles sont destinées à redresser la situation de la Jirama, elles doivent être réduites progressivement afin de consacrer beaucoup plus de fonds pour les secteurs prioritaires comme l’éducation, la santé, l’agriculture, la sécurité et autres. Les projets de développement sont aussi importants. Certes, les dépenses d’investissements ont augmenté ces trois dernières années, mais elles sont encore insuffisantes car jusqu’à maintenant, on consacre encore beaucoup de crédit pour les soldes des fonctionnaires et les intérêts de la dette. Bref, le budget de fonctionnement est inévitable, mais les investissements sont à la base du développement économique et on doit y consacrer beaucoup plus de fonds ».
Midi Madagasikara : A propos d’investissements justement, le secteur privé malgache continue à traverser des moments difficiles et n’investit pratiquement plus. Avez-vous des suggestions pour appuyer le secteur privé ?
Ndremanjary Odilon : Effectivement, le développement du secteur privé est un élément essentiel du pays. Malheureusement, la plupart des entreprises ne sont pas performantes pour un certain nombre de raisons. Je vais parler plus particulièrement des PME qui sont actuellement bloquées tout simplement parce qu’elles doivent faire face à de très lourdes charges. Notamment fiscales puisque, pour ne prendre que le cas de la TVA par exemple, à Madagascar on est encore à 20%, alors que dans certains pays performants comme Maurice par exemple, le taux de la TVA est de 12%. Certes le pays a encore besoin d’augmenter son taux de pression fiscale qui est actuellement de l’ordre de 10% à 11%. Mais en même temps, on doit alléger les charges des entreprises, surtout les PME afin que ces dernières réinvestissent, et pour voir ainsi, créer des emplois. Et partant de réduire le chômage. Nous devons également continuer les efforts pour introduire les entreprises informelles, dans le secteur formel. L’Etat doit continuer d’appuyer les actions de formalisation des entreprises car avec cela on aura un double bénéfice. En effet, non seulement la formalisation augmente les recettes fiscales, mais elle permet également d’avoir des données statistiques fiables nécessaires aux actions pour le développement.
Midi Madagasikara : Y-a-t-il d’autres initiatives particulières ?
Ndremanjary Odilon : « Il y en a beaucoup bien évidemment. Je vais par exemple citer la création d’une bourse de marchés secondaires qui permet de faciliter les investissements. On devra également faciliter et augmenter les accès aux crédits. D’ailleurs cela est vrai aussi bien pour le secteur privé que pour le secteur public. En effet, pour les financements pour le développement, l’Etat doit bien évidemment continuer à recourir aux bailleurs de fonds traditionnels comme le FMI, la Banque Mondiale, l’Union Européenne, la BAD et autres. Mais il y a également d’autres alternatives qui peuvent être complémentaires, celles de ces bailleurs. Et cela se fait avec succès dans certains pays africains comme le Sénégal qui a levé au sein de Rotchild un fond de 2 milliards de dollars sur 30 ans avec un taux d’intérêt de 4% seulement. En somme, ce ne sont pas les alternatives qui manquent, mais encore faut-il que le pays dispose d’une capacité d’absorption de crédits convenable. Mais également et surtout, il nous faut cette stabilité politique qui est la condition sine qua none du développement économique.
Propos recueillis par R.Edmond.