
A deux semaines du second tour de l’élection présidentielle, la cohabitation au sein de l’Exécutif a connu son premier couac hier, au palais d’Ambohitsorohitra.
Selon le rapport du Conseil des ministres, « le Chef de l’Etat a fait une remarque appuyée sur les interventions directes et publiques de personnes ressources de nationalité étrangère lors d’une récente conférence sur la sécurité, jugées inopportunes au regard de la souveraineté nationale, et entrant, d’autant plus, dans le cadre d’une période de campagne électorale. La mise en avant de matériels stratégiques de défense, sujets à une réglementation stricte, a aussi été pointée du doigt. S’en est suivi une levée de boucliers de la part de certains, dont un ministre qui a délibérément choisi de quitter la séance, estimant avoir été lésé dans le temps imparti aux échanges sur le sujet abordé et ce, malgré l’exhortation du Premier ministre à la sérénité ».
Champ de compétences. De source proche d’Ambohitsorohitra, la « levée de boucliers » venait des ministres Mapar. Pierre Holder serait celui qui a quitté la salle, faute d’avoir pu s’exprimer. Face à cet incident de parcours, on est droit – au propre comme au figuré – de poser la question de savoir si le président de la République par intérim a ses « maux » à dire en matière de défense et de sécurité. Et pour cause, il n’est pas le Chef suprême des Forces armées, selon l’Avis de la HCC en date du 07 septembre 2018 qui avait balisé ses attributions. Ecartant expressément du champ de compétences de Rivo Rakotovao, l’article 56 de la Constitution qui dispose notamment que « le Président de la République est le chef suprême des forces armées dont il garantit l’unité ». En revanche, rentrent dans ses prérogatives, celles prévues par l’article 45 alinéa 2 qui stipule qu’ « il veille à la sauvegarde et au respect de la souveraineté nationale tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ». C’est à la limite, en vertu de ces dispositions que le président de la République par intérim « a fait une remarque appuyée ».
Domaines réservés. Cependant, le rapport émanant du Palais d’Ambohitsorohitra de noter lui-même que cela intervient « dans le cadre d’une période de campagne électorale ». Or, la propagande est l’occasion par excellence pour les candidats d’exposer leurs projets respectifs. Entre autres et non des moindres, en matière de sécurité et de défense qui font justement partie des fameux « domaines réservés » du président de la République. De toute façon, ces « matériels stratégiques de défense » étaient factices et ne sont donc à priori « sujets à une réglementation stricte ». Dans le cas contraire, ils auraient été saisis par la Douane et/ou la Police de l’Air et des Frontières puisque leur introduction sur le territoire a respecté toutes les procédures requises.
Litige. Derrière cette « levée de boucliers », se profile en filigrane la délicate voire la difficile cohabitation au sein du gouvernement de consensus dont la mission principale est d’organiser avec la CENI, l’élection présidentielle anticipée. Et ce, selon l’article 8 de la Décision de la HCC en date du 25 mai 2018 relative à une requête en déchéance du président de la République Hery Rajaonarimampianina. Après la démission de ce dernier pour cause de candidature au scrutin du 7 novembre 2018, l’intérim est assuré par Rivo Rakotovao qui « ne remplace, ni supplée le président de la République titulaire », d’après l’Avis émis le 7 septembre 2018 par la HCC. Après le clash d’hier en conseil des ministres, le juge constitutionnel pourrait encore jouer le rôle d’arbitre. En effet, l’article 13 de la Décision du 25 mai 2018 prévoit qu’ « en cas de litige dans l’exécution des dispositions de la présente Décision, la Cour de céans statue en dernier ressort ». En tout état de cause, les membres de l’Exécutif sont obligés de cohabiter jusqu’à l’investiture du nouveau président de la République élu prévu en principe le 25 janvier 2019.
R. O