La détermination du Bureau indépendant anti-corruption (Bianco) à mener à terme l’enquête sur l’affaire Claudine Razaimamonjy a suscité les observateurs des affaires nationales à poser des questions sur les autres affaires louches qui minent ce pays depuis des années. Le Bianco arrivera-t-il vraiment à remettre la pendule à l’heure ?
Administrateur civil de fonction et conseiller technique à la Primature, Paolo Raholinarivo affirme que le Bianco aura encore beaucoup de dossiers à traiter à part celui de Claudine Razaimamonjy. Pour cela, il souhaite bon courage à cette institution vu la difficulté qui l’attend. D’après lui, le Bianco et la chaîne pénale anti-corruption devront aborder l’affaire des 60 milliards de FMG de la Banque centrale de Manakara ; l’affaire de Soalala ; le problème d’approvisionnement de carburant de la Jirama où une compagnie pétrolière est impliquée ; l’affaire Tozzi Green dans l’Ihorombe où une grande superficie de terrain a été vendue à prix bradé à une société étrangère ; l’affaire d’exploitation suspecte de saphir à Ilakaka où des gens au pouvoir seraient impliqués ; l’exploitation d’or de Betsiaka ; l’exploitation de pierres précieuses à Tsididy-Ambatondrazaka ; l’exploitation d’or à Ikongo, Mananjary… ; l’octroi d’agrément aux grandes compagnies d’extraction minières comme Sheritt, QMM où les Malgaches ne bénéficient que 1% du rendement ; les exportations de zébus à l’origine de la recrudescence de vols de bœufs ; l’introduction clandestine d’armes dans les ports malgaches où plusieurs ministères sont impliqués. Conscient de l’importance de ce qu’il parle, Paolo Raholinarivo mentionne que si le Bianco trouve quelque chose d’anormal chez moi, qu’il me poursuive parce que personne n’est au-dessus de la loi dans ce pays.

Il pense que le Bianco pourra réussir si ses employés sont disposés à sauver ce pays de l’abîme où il se trouve à l’heure actuelle. « Le mal gagne souvent, mais cela ne doit pas constituer un motif pour croiser les bras, c’est pourquoi, je félicite les efforts déployés par cette institution de l’Etat. Quand les descendants d’Israël étaient esclaves en Egypte, Dieu a envoyé Moïse pour les libérer des mains de Pharaon. Je ne suis pas un HVM ni TIM, ou de n’importe quel parti. Le Premier ministre m’a appelé pour intégrer son cabinet en tant que conseiller technique. Peut-être, ce choix n’était pas le fruit du hasard. Ce serait la volonté de Dieu. Et j’ai accepté avec foi et conviction, car ce sera l’occasion pour moi d’apporter ma contribution à lutte contre les maux qui minent ce pays notamment dans le secteur minier où toutes les formes d’illégalité et d’injustice règnent. C’est mon devoir en tant que fonctionnaire », explique-t-il.
Appels à tous les secteurs
En effet, il veut lancer un appel à ses confrères et collègues fonctionnaires à arrêter l’égoïsme et toutes les mauvaises pratiques qui sont à l’origine de toutes formes de corruption et détournement car les fonctionnaires sont formés pour servir le pays et le peuple, mais non pas pour les voler. Les fonctionnaires sont censés servir l’Administration et les administrés. Qu‘on arrête le corporatisme et la complicité avec les hors-la-loi. Il déplore ainsi l’existence de fonctionnaires qui prétendent être des anges mais qui n’arrivent pas à chasser le diable. Or, le corps de fonctionnaire se vante pourtant d’être à mesure de redresser le pays. L’image des corps de fonctionnaires est ternie par cette solidarité pourrie. « Il faut débuter l’assainissement et le redressement à partir de chez vous », martèle-t-il. Il ajoute que ce redressement doit se faire dans tous les corps surtout celui des magistrats qui ont le pouvoir d’emprisonner et de libérer. Il déplore le fait de voir que la Justice malgache devienne une force de répression. Notre système judiciaire reste encore celui durant la colonisation or actuellement, nous sommes tous des Malgaches. Notre Justice devient un lieu de business pour se procurer de l’argent. C’est honteux de voir le palais de Justice se transformer en lieu de foire. On incite les Malgaches à porter plainte pour leur soutirer de l’argent.
Appel également aux politiciens qui sont censés éduquer les citoyens, être des balises. Que la politique ne soit pas un moyen pour venger, s’enrichir, et pour faire du népotisme. Le problème est que les Malgaches ne font rien quand il n’y a pas de pression. Que les médias fassent leur mission en tant qu’éducateur et informateur et cela dans l’impartialité pour qu’il y ait pluralisme d’idées. Appel aussi à la société civile qui prétend être défenseur des droits de l’Homme. Par contre, il n’y a rien de concret dans la pratique. Aux syndicats dont la mission est d’observer le social des membres et militer pour leurs droits, mais ne pas se mêler dans les affaires politiques. Qu’on change de comportement et de pratique. On parle actuellement de nouvelle vision : Madagascar moderne et prospère. Que la personne qui en parle donne l’exemple en premier lieu. Jugée comme source de corruption, la pratique de 10% dans l’octroi de marché public est fortement dénoncée. Elle cache toutes les malices qui pourront porter préjudices aux Malgaches.
Changement de comportement
Appels aussi aux Forces de l’ordre. Ne nous dites plus que vous avez un problème d’insuffisance d’effectif. Vous avez ce problème, car beaucoup d’entre vous gaspillent votre temps au gardiennage des étrangers et des entreprises privées au lieu de s’occuper de la majorité. A cela s’ajoute la concentration de nombreux soldats dans la capitale dont la mission consiste en grande partie à la protection des hautes personnalités du régime. « Je veux m’adresser aux dirigeants. Si vous agissez bien envers les administrés, vous ne devez pas avoir peur. Nous avons peur, car nous ne savons pas nous comment comporter devant le peuple. Nous nous sentons mal vus à cause de notre arrogance et les illégalités que nous commettons », fustige-t-il.
Toujours soucieux de la prédominance de la corruption dans le système judiciaire malgache, cet administrateur civil de formation estime qu’il est temps de mettre fin à l’application du mandat de dépôt systématique. « Le mandat de dépôt systématique ouvre la voie libre à la corruption, car pour éviter la prison, beaucoup ont tendance à soudoyer les juges. De ce fait, ce n’est pas étonnant de voir que ce ne sont pas les vrais bandits qui croupissent dans nos prisons, mais les petits délinquants poursuivis pour vol de poulet et de manioc », conclut-il.
Teholy M.