L’explosion des chiffres sur les nouveaux cas de Covid-19, avant-hier, a causé une vague de panique chez les Tananariviens et les Tamataviens, et n’a pas manqué de provoquer le courroux du président de la République qui a pointé du doigt, jeudi dernier, le laisser-aller dont font preuve les uns et les autres. Mais il se trouve que les chiffres annoncés ne seraient finalement pas, semble-t-il, ceux qu’ils devraient être.
35 ? 67 ? 32 ? 4 ? Les derniers chiffres sur les nouveaux cas confirmés de Covid-19 annoncés le 7 mai 2020 ont semé la confusion dans les esprits. Les explications fournies, hier 8 mai, par les responsables afin de rassurer l’opinion publique, ne semblent pas avoir fait grand effet, et risquent même de jeter le discrédit non seulement sur les entités engagées dans la réalisation des tests, mais également sur l’ensemble du système.
Rappel des faits. « 35 nouveaux cas confirmés », annonce le Pr Vololontiana Hanta, porte-parole du Centre de commandement opérationnel (CCO) Covid-19, le 7 mai. De son côté, l’OMS indique, le même jour, 67 nouveaux cas (soit 32 de plus), puis se rétracte et s’aligne finalement au chiffre de 35 annoncé officiellement par le CCO. Selon les explications de la porte-parole du CCO, les 32 cas n’ont pas été annoncés car il s’agit de cas dont les tests ont dû être refaits. A noter que le 6 mai, 252 tests ont été effectués à l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), à l’issue desquels sont sortis les chiffres de 35 et 32 nouveaux cas positifs. « Les 32 cas n’ont pas encore été annoncés parce que l’Etat a pris la décision de faire refaire les tests les concernant », entame d’emblée le Pr Vololontiana, voulant apporter une explication à cette situation « inhabituelle ».
Ainsi, les 32 personnes déjà confirmées positives au coronavirus ont été à nouveau rappelées, afin d’effectuer de nouveaux prélèvements au Centre d’Infectiologie Charles Mérieux (CICM) à Ankatso. Les tests ont été réalisés par le biais d’un plateau technique commun, engageant l’IPM – qui a apporté sur place ses équipements – les techniciens du CICM et les représentants du ministère de la Santé publique. Toujours selon la porte-parole du CCO, 21 tests sur les 32 refaits ont déjà livré leurs résultats : 4 sur 21 ont été confirmés positifs une seconde fois. Autrement dit, 17 cas déjà confirmés positifs se sont avéré finalement négatifs ! Les résultats des 11 personnes restantes sur les 32 ne sont pas encore connus. Par ailleurs, les 35 autres personnes déjà déclarées « cas positifs » devront, elles aussi, refaire les tests au CICM avec le même plateau technique commun aux trois entités.
Interrogations. Ces « faits nouveaux » n’ont pas manqué de susciter des interrogations. « Des tests réalisés à l’IPM aboutissent-ils maintenant à de faux positifs ? » ; « N’a-t-on plus confiance à l’IPM, alors qu’il s’agit d’une entité de référence mondiale ? » ; « Y aurait-il manipulation des chiffres, ou pire, manipulation des résultats ? », « Que nous cache-t-on ? », se demande-t-on. Chacun y va de son petit – ou grand -commentaire et les réseaux sociaux s’en donnent particulièrement à cœur joie. Quoi qu’il en soit, on assiste à une véritable cacophonie depuis avant-hier, autour des statistiques des nouveaux cas confirmés de Covid-19 à Madagascar.
Pour sa part, la porte-parole du gouvernement, la ministre Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo a, elle aussi, apporté sa part d’explications, face à plusieurs éléments qu’elle qualifie de «douteux » au niveau des chiffres, et qui a amené à cette décision de faire refaire les tests. Les points jugés louches portent, d’une part, sur la proportion de cas positifs (32 sur 33) émanant de l’IPM, et d’autre part, sur le nombre de tests réalisés par l’IPM, plus élevé que d’habitude(252) par rapport au nombre de tests réalisés habituellement, en moyenne 100 à 150 par jour. En d’autres termes, du côté du gouvernement, le doute plane sur ces chiffres émanant de l’IPM à propos de ces cas positifs annoncés dernièrement. Y aurait-il eu défaillance au niveau de l’IPM dans la réalisation de ces tests, ou alors une velléité de manipuler les chiffres ? Des investigations sont menées en interne au niveau de l’IPM, et au niveau de l’ensemble du système, afin d’éclaircir cette situation. Quoi qu’il en soit, dans toutes ces contradictions autour des statistiques, l’opinion se retrouve, ces derniers jours, quelque peu désorientée et s’estime lésée dans son droit d’avoir accès à une information fiable.
Hanitra R.