L’Etat doit intervenir pour aider le secteur privé à surmonter la crise actuelle, engendrée par les mesures de confinement et la fermeture des frontières, selon Dr Rakoto David, président du conseil d’administration du Cercle de réflexion des économistes de Madagascar (CREM)
Le coronavirus (COVID-19) infecte actuellement 159 pays sur 198, dont 39 pays d’Afrique, et Madagascar figure désormais parmi ces pays. La propagation et l’évolution de cette maladie est dommageable, surtout pour l’Afrique, malgré les mesures prises de confinement, d’isolation des cas suspects, d’interdiction de regroupements religieux ou sportifs et de fermetures d’écoles. En ce qui concerne Madagascar, 43 cas positifs sont actuellement confirmés [le 29 mars à 12h], et des mesures strictes ont déjà été prises par le gouvernement pour y faire face, avec l’ouverture officielle du Centre opérationnel de commandement COVID-19 le 23 mars 2020, qui a pour mission de coordonner les différentes mesures à appliquer afin de maîtriser la propagation de cette pandémie à Madagascar. Face à la situation actuelle, le CREM ne peut pas rester les bras croisés, selon son PCA, Dr Rakoto David. Cette association entend apporter ses réflexions pour le cas présent et sur ce qui nous attend dans un futur proche, surtout d’un point de vue économique. En effet, cette pandémie aura sûrement des répercussions socioéconomiques à cause du blocage de la mobilité des personnes, de la fermeture des aéroports, de l’annulation des évènements sportifs, de la fermeture des magasins, etc. Selon le PCA du CREM, le rôle de l’Etat va s’intensifier pour sauver des vies et appuyer le secteur privé et les professions libérales, qui seront les plus touchés. Des financements supplémentaires seront alors nécessaires dans un avenir proche. Les États-Unis ont annoncé le déblocage de 2 000 milliards de dollars américains pour faire face à la situation, et l’ONU, par le biais de son Secrétaire Général, a appelé le G20 – les 20 pays les plus riches – à mettre de côté 10% de son Produit Intérieur Brut (PIB) pour aider l’Afrique, qui aura besoin d’un financement d’au moins 3 000 milliards de dollars américains.
Situation grave. À Madagascar, la pandémie n’a certes pas encore frappé de plein fouet l’île. Toutefois, ses répercussions pèsent déjà sur l’économie du pays, très dépendante des importations. « Le tourisme, qui enregistre désormais 100% d’annulation des clients internationaux, est le secteur le plus affecté jusqu’à présent. Et la fermeture totale des frontières depuis jeudi 19 mars pour un mois ne devrait pas améliorer la situation ces prochaines semaines. Les représentants des industries malgaches ont appelé les autorités à l’aide. Certaines sont en rupture d’approvisionnement depuis plusieurs semaines. D’autres craignent la faillite suite aux mesures de confinement recommandées. Les industriels enjoignent l’État à faire un geste en urgence envers les entreprises pour éviter la faillite et les licenciements massifs », décrit le représentant du CREM. Les industries de transformation comme les zones franches (textile), les plus pourvoyeuses d’emplois, tournent au ralenti depuis plusieurs semaines. Pour fonctionner, elles ont besoin de fournitures, d’intrants, alors que leur fournisseur principal est la Chine. Des industries sont déjà en train de mettre en place le chômage technique et c’est normal, car elles produisent pour l’export à partir de matières premières importées de Chine, donc il y a forcément des répercussions sur notre économie.
Recommandations. Le secteur privé malgache fait face à une situation d’urgence et l’Etat doit l’aider à résister au maximum à la baisse d’activité, voire à la récession quasi inéluctable, selon l’économiste Dr Rakoto David.

Selon lui, « voici quelques pistes de réflexions :
- – Mettre en place un fonds spécial pour contrer la maladie et renforcer nos systèmes de santé. Ses sources proviennent des dividendes perçues par l’Etat auprès des institutions financières comme les assurances, la CNaPS ; mais aussi de la valorisation de nos ressources naturelles, des transferts de fonds envoyés par les migrants, des contrats de programme ‘Output Based Aid’ (OBA) de la Banque mondiale par exemple.
- – Décalage de paiement de tout ce qui est dû à l’Etat au niveau fiscalité.
- – Donner du pouvoir d’achat en réduisant les impôts IRSA, IR de 20% à 10%. Ainsi, le salarié disposera de 10% de son salaire, auparavant retenu pour l’État, sans que l’entreprise n’augmente les salaires. Une classe de consommateurs moyens apparaîtra.
- – Rétablir l’équité. En faisant profiter aussi le peuple des surprofits réalisés par les pharmacies et autres entreprises en situation de monopole.
- – Organiser la production et la vente des produits agricoles, des produits finis locaux, par la conception de centrales d’achats, d’approvisionnement. »
Bien que le coronavirus représente actuellement un danger sanitaire, le PCA du CREM soutient que l’Etat doit déjà penser aux impacts économiques, pour minimiser les dégâts causés par cette crise, et assurer la relance, une fois que ce fléau sera terminé.
Recueillis par Antsa R.