3030Selon Mamy Freddy Andriamalala dit « Menalamba », Docteur (PhD) en Sciences politiques et Diplômé de Recherche en Economie du développement, Professeur des Universités et non moins ancien Président d’un Groupe parlementaire du Congrès de la Transition. Cet originaire d’Arivonimamo dévoile la face cachée de la culture et pratique politique à Madagascar. Interview.
Midi Madagasikara. D’abord, quel est votre aperçu général de la situation à Madagascar ?
Mamy Freddy Andriamalala. Faut-il rappeler que depuis l’avènement de la 4e République, un nouvel espoir et une perspective de vie meilleure pour les Malgaches se sont émergés. Ils restent pourtant un rêve si des crises économiques et politiques sans issue gagnent toujours du terrain. Le vrai problème rencontré par la majeure partie de la population est un problème de vie et de mort. C’est une mort injuste liée à la mauvaise performance économique aggravée par des querelles politiques.
Midi. Donc la crise politique devient un obstacle majeur du développement de Madagascar ?
MFA. Les chiffres nous indiquent que les effets économique et social des crises politiques sont néfastes : durant les crises de 1991, 2002 et de 2009: le taux de croissance économique a été de -6,3 % en 1991 contre -12 ,7 % en 2002 et avoisinait le 0 % en 2009 (Le taux de 2008 est de 8,2 %). En ce qui concerne l’inflation, le taux est de 8,9 % en 1991 et de 15,2 % en 2002 et gravitait autour de 9 % en 2009. Par ailleurs, le taux de pauvreté est passé de 65 % en 2008 à 80 % après la crise de 2009.
Midi. Si la crise actuelle perdure, quels pourraient être ses conséquences probables?
MFA. Je dis haut et fort que l’absence des solutions consensuelles pour régler la crise politique actuelle va nuire l’unité nationale et les acquis démocratiques. Cette crise constitutionnelle provoque nécessairement :
– Une crise de finances publiques et une détérioration de l’environnement des affaires qui se traduisent par une défaillance de l’Etat dans les services publics et une diminution des investissements productifs et par la suite accentuation de la pauvreté.
– Une forte dépréciation de la monnaie nationale, suivie d’une inflation galopante et d’une diminution du pouvoir d’achat réel de la population.
– Une explosion sociale qui se manifeste sous forme de descente des affamés, des chômeurs, des sous-employés et des populations à faibles revenus dans la rue avec leurs assiettes et marmites pour réclamer leur bien-être à juste prix et crier paix politique.
Mon grand constat au sujet de la crise politique actuelle est clair : Consolider la paix sociale et la stabilité politique par un dialogue et un consensus. On ne peut pas régler les conflits politiques sur le dos du peuple et avec son sang.
Midi. Qui est le premier responsable de la crise constitutionnelle actuelle ?
MFA. Tous les acteurs politiques malgaches et les géopoliticiens mondiaux sont responsables. Mais l’église a une part de responsabilité très significative. Faut-il rappeler que la religion a une importance considérable dans la société malgache. Elle franchit la limite entre la vie matérielle et la vie spirituelle. Elle touche tous les aspects de la vie de la population : économique, sociale, politique, culturelle. La religion donne les moyens de comprendre la réconciliation. Elle est la langue de l’espoir et des aspirations. Malgré l’emprise de la religion dans la vie de la population; elle n’a toujours ni une influence positive ni une idée pertinente, notamment sur la décision politique dont l’idée de dissoudre toutes les institutions.
Je me demande pourquoi les gens et les leaders politiques qui entourent le Président de la République ne montraient pas des capacités suffisantes à anticiper les conséquences néfastes probables des recommandations politiques émises par le FFKM. C’est banal de rappeler que la faillite politique du régime mis en place par le peuple en 1991 est due à la destitution constitutionnelle du Président de la République.
Midi. Quelle solution pouvez-vous avancer ?
MFA. Un nouvel accord politique entre les protagonistes est la meilleure solution du point de vue coûts et avantages en dressant mutuellement un nouveau tableau d’intérêts selon le rapport de forces en présence. Ainsi un effort de rapprochement dans l’immédiat entre le président de la République et les députés majoritaires est primordial afin de mettre en place un Gouvernement de cohabitation politique performant composé de technocrates et de politiciens compétents. Un rapprochement et un gouvernement de cohabitation ne sont ni une vache sacrée ni un sujet tabou. Je ne veux pas être attendu dans l’immédiat mais ne veux non plus que le temps me donne raison.
Recueilli par Antsa R.