
Dans un tournant inédit de la crise politique, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) a pris hier, mardi 14 octobre, une décision lourde de conséquences.
La HCC constate la vacance du poste de président de la République et « invite » le colonel Michaël Randrianirina à exercer la fonction de chef de l’État. Cette décision, référencée n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025, intervient alors que les militaires ont eux-mêmes annoncé, hier à 16h au palais d’Ambohitsorohitra, la suspension des institutions, y compris celle de la HCC. Pourtant, la Haute Cour a choisi d’agir, se plaçant en rempart de la continuité de l’État et de l’ordre constitutionnel.
La Haute Cour a été saisie par Siteny Randrianasoloniaiko, vice-président de l’Assemblée nationale, dans une lettre datée du 12 octobre et enregistrée le lendemain. Ce dernier demandait à la Cour de se prononcer sur une issue à la crise institutionnelle et politique actuelle. Après examen du dossier, la HCC a estimé que le président de la République Andry Rajoelina « n’est pas à même de remplir les missions qui lui sont confiées », au motif qu’il « ne se trouve et ne saurait se trouver sur le territoire de la République ». La HCC considère ainsi qu’il « tombe sous le coup d’un abandon passif du pouvoir », déclarant par conséquent le poste de président de la République vacant.
Voie de suppléance
Le poste de président du Sénat est également déclaré vacant, selon la HCC, à la suite de la motion de destitution votée contre Richard Ravalomanana le 12 octobre. La HCC a ensuite examiné la voie de suppléance prévue par la Constitution selon laquelle en cas d’absence du président et du président du Sénat, c’est le gouvernement qui doit assurer la continuité de l’État de manière collégiale. Mais, selon la Cour, les circonstances actuelles empêchent l’exercice normal des pouvoirs gouvernementaux.
« Le Gouvernement se trouve également dans l’impossibilité de remplir l’obligation de faire fonctionner la vie de la Nation », note la HCC, soulignant que toutes les voies de suppléance civile sont désormais épuisées. Face à cette « vacuité au sommet de l’État », la Haute Cour Constitutionnelle considère qu’il est de son devoir de désigner « l’autorité qui pourrait faire face à cette situation avec efficacité et effectivité ». Selon la décision, « cette autorité ne saurait être que militaire, incarnée par le colonel Michaël Randrianirina », qui est invité à « exercer les fonctions de Président de la République ». La HCC précise que cette mission doit s’exercer sous son contrôle, dans des délais très limités et dans un cadre strictement défini par les circonstances. Elle enjoint également le colonel Randrianirina à organiser des élections dans les soixante jours suivant la notification de la décision.
Malgré la gravité de la situation, la HCC tient à souligner que « les institutions et organes constitutionnels en place continuent d’exercer leurs pouvoirs habituels », indiquant ainsi sa volonté de préserver un minimum de stabilité institutionnelle. Par cette décision, la Haute Cour constitutionnelle s’arroge un rôle de régulateur en temps de crise extrême, alors même que son autorité avait été suspendue par les militaires.
Rija R.