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mercredi, juillet 2, 2025
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Davida Rajaon : Pour un équilibre territorial et des contrats Etat-Communes et Etat-Régions…

Le président de l’IEP, Davida Rajaon.
Le président de l’IEP, Davida Rajaon.

Le président de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) a visiblement choisi la tenue de la concertation nationale sur la décentralisation pour donner son avis sur la question. Interview.

Midi : La décentralisation sert-elle le développement du pays ?

Davida Rajaon : « Cela dépend… quel développement nous voulons. Le concept même de la décentralisation doit être revu et il ne faut pas se verser, ni sur un juridisme et une profusion de loi inapplicable, ni sur un système copier-coller où nous aurons du mal à s’en approprier. Nous avons à privilégier une approche sociologie-politique de la décentralisation, en se basant sur les « liens » plus que sur le système (autorités traditionnelles, notables,…). Concentrons-nous sur les réels besoins nationaux et locaux et non les besoins des bailleurs ou encore les besoins électoraux. La décentralisation doit être combinée avec une stratégie d’aménagement du territoire donc de la politique publique du développement en général. De là sortira la notion de « territoire » et surtout de « terroirs » qui symbolise une dynamique économique et culturelle, gage d’appropriation du sens et de la valeur du vivre ensemble et du bien commun donc d’un Etat-nation et non d’un multi micro-état éparpillé et pillé par des multi-acteurs non-étatiques et non-éthiques. La décentralisation doit être un outil de l’Etat de droit. Par rapport aux expériences et au contexte actuel, la décentralisation doit être mise en œuvre par phases et préoccupons-nous à ce que l’Etat ne soit pas dilué, d’autant plus avec l’émergence des exploitations de ressources naturelles pourvoyeurs de rentrée fiscale locale ».

Midi : Mais la décentralisation est en marche depuis des années et est soutenue par les bailleurs ?

D. R. : « L’Etat ne doit pas faillir à sa mission, il doit imposer sa « politique publique territoriale » comportant une vision claire et sur, au moins, le moyen terme de la décentralisation. C’est un « choix politique » qui mérite un travail long et de « consensus ». Si nous sommes juste portés par la nécessité d’avoir une loi, nous pourrions avoir une vision administrative de la décentralisation ».

Midi : Choix politique dans quel sens ?

D. R. : « En effet, plusieurs éléments se présentent dans ce « choix politique » d’une décentralisation. Dans toute politique publique territoriale, il faut se soucier des équilibres pour une bonne gouvernance territoriale.

L’équilibre du pouvoir local : D’une part, la démocratie participative, est-elle un élément systématique de fonctionnement de la décentralisation, par exemple la consultation publique et référendum local. Sommes-nous prêts à celles-ci, vu l’expérience de la fabrication industrielle des PCD dans les années 2000 ? D’autre part,suivant un équilibre culturel et sociopolitique, la décentralisation n’est pas et ne doit pas être une affaire de l’Etat uniquement. Aussi, l’analyse sociologique plaide à ce qu’on ne minimise nullement les autorités traditionnelles et l’histoire locale dans tout projet de loi ou de développement d’une localité. En somme, la démocratie de proximité révèle que l’implication de la population dans les décisions locales s’avère efficace pour la gouvernance locale. Mais, qu’allons-nous faire en cas de « fuite de responsabilité » des élus par blame avoidance et peur d’un negative bias ? Vu le niveau « différencié » de la maîtrise de la chose publique par la population, les budgets participatifs et les passations de marché contrôlé par le public et ainsi le système de suivi-évaluation public par souci de redevabilité doivent être encadrés ».

L’équilibre territorial : Il doit être au centre des préoccupations des concepteurs de la loi sur la décentralisation. L’Etat doit être garant de l’équilibre territorial. Le transfert de compétences, de responsabilité et de capacité, donc la loi sur la décentralisation doit avoir une approche de management du développement. Le territoire se constitue de réseaux et de flux financiers, d’humains, de produits. La structuration territoriale en termes d’infrastructures physiques (routes…), d’institutions (Agex…) et d’informations (e-gouvernance) pourrait alors la base d’une autre structuration juridique et financière et humaine. Il s’agit de ce fait d’une loi capable de coopérations territoriales telles que l’intercommunalité, le financement croisé de régions riches et pauvres, la coopération décentralisée, l’urbain et le rural et les « pôles » de développement. Ajouté à cela, une loi impliquant l’équilibre financier national et local : subvention et dotation budgétaire, fiscalité, redevance. Et enfin, la loi doit prévoir l’encadrement des « co-financements » internationaux ou locaux (privé-public-OSC). L’introduction de la contractualisation « contrat territorial » par l’adjonction entre l’activité de FDL et les activités administratives et financières étatiques est une des clés de la décentralisation effective et efficiente. En effet, l’Etat, ne devant pas être dilué et inversement les collectivités territoriales, ne devant pas être sclérosées, mais d’une manière contractuelle (Etat-Régions, Etat-communes) auront des « accords communs » sur les objectifs, les moyens et les résultats à atteindre.

L’équilibre administratif, entre déconcentration et décentralisation. Que dit le terrain ? Un phasage ne serait-elle pas nécessaire par confusion de statut et de rôle et surtout en termes de compétences aussi bien juridique que ressources humaines. Ne faut-il pas avancer vers la fonctionnarisation des agents territoriaux ? Une stratification territoriale d’une part et un redécoupage territorial d’autre part sont à redéfinir, gage d’une bonne application de la loi appuyé par une CGC (clause générale de compétences) appropriée. A titre d’illustration, les codes généraux des communes et des régions doivent prévoir ces stratifications. Des codes qui sont à inclure dans l’ensemble de la réflexion sur la décentralisation et non a posteriori ».

Midi : En conclusion ? 

D. R. : « A la lumière de tous ces défis et contextes, nous risquons d’avoir une loi sans politique publique, une politique publique sans loi. La loi cadre ne peut être que globale mais pour une décentralisation effective et réussie, un travail de découpage, de stratification, d’une clause générale de compétences et de phasage sont nécessaires pour élaborer une loi qui soit applicable. Ce travail comprend évidemment la cartographie prospective des moyens humains et financiers territoriaux. Vu l’inexistence d’une politique publique territoriale, l’exécutif doit prendre du temps avec l’ensemble des acteurs de la vie publique pour faire la jonction entre les initiatives de différents ministères ayant un lien direct avec la « gouvernance territoriale » et ériger ainsi une loi d’orientation, issue de concertations régionales ».

Propos recueillis par Eugène Rajaofera

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