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jeudi, décembre 26, 2024
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Décès de Paul Congo :  Une encyclopédie malgache s’est fermée 

Tout ce qui sortait de ses lèvres était sacré. Sa bouche professait des choses vraies. Humble était ce monsieur, avec son allure de boxeur, dans son corps enveloppé, se cachait une âme tendre, un esprit engagé. Il s’est en allé. Le monde culturel  est en deuil.

4 février 2023 à 4 heures du matin, Paul Jaoravoana a rendu l’âme dans sa demeure à Soafeno. Selon les dires, il a eu un choc émotionnel suite à la victoire de l’équipe nationale malgache lors de la CHAN 2022, qui s’est tenue en Algérie. Le nationalisme a tellement bouillonné dans les veines du conteur. Madagascar a perdu son orateur, Antsiranana a perdu son Bàba. Oui, ce père, ce raiamandreny qui a tout donné pour ces fils. Paul Congo détient la chaire de l’histoire de la région septentrionale. Il a puisé les sources des anciens. En outre, il a révolutionné les contes traditionnels. Une figure de proue, militant culturel, sa voix rauque a gagné l’oreille de la génération 80-90. Ses contes sakalava-antakarana éveillent l’esprit de la jeunesse diégolaise. Conserver la tradition est son ultime objectif. Tellement visionnaire, il est, selon ses adeptes, l’oracle contemporain. Une qualification attribuée à un homme barbu qui a consacré sa vie entière à la coutume malgache. « Il n’écrit pas… Il estime que ce qui est oral doit rester oral et ce qui est écrit doit rester écrit. Mais il n’empêche pas les gens de transcrire ses contes », témoigne le journaliste Cerveau Kotoson, proche du défunt. L’oralité est importante. Certes, l’écrit reste mais il préférait que la tradition demeure orale pour ne pas dénaturer les récits. Être gardien traditionnel dans une ville en pleine ascension n’est pas facile. Né à Taskoamanondro où les us et coutumes sont jalousement gardés, l’orateur s’installe à Antsiranana pour y travailler. Entre la « petite modernité » et la tradition ancestrale, le personnage a su s’adapter. Et ce sens d’adaptation a été pour lui une source d’inspiration. Voyant Antsiranana comme le laboratoire improvisé des formes culturelles, de langage, de musique, et autre courant culturel, Paul Jaoravoana a trouvé un angle pour se démarquer. Il a exploité sa connaissance en s’invitant à la radiom-paritra à partir de la fin des années 1990. « A cette époque, il n’y avait pas d’autre radio. On n’écoutait que la radiom-paritra, c’était le nom qu’on lui attribuait à l’époque. Paul Jaoravoana avait de la notoriété car chaque mercredi, il proposait une émission. Il racontait des récits traditionnels, des fables sakalava du Nord, des devinettes. C’était amusant. Il nous a bercés », a raconté Alexis Tondrahely, un des auditeurs de l’époque. Dès lors, la voix de Paul Congo et ses leçons de morale sont inculquées dans l’esprit de la génération 1980-1990. Rassembleur, il savait comment s’adresser à n’importe quelle personne. Loin de ces discours arrogants. L’éloquence sort de ses lèvres comme l’eau pure sort de la grotte. Il a le sens de la noblesse. Il essaie de porter vers l’avant la société. Il s’est donné pour mission de permettre aux jeunes de comprendre l’éducation des ancêtres à travers les contes.

Le griot contemporain

Le récit ancestral fait partie du patrimoine oral de l’humanité. Il se transmet de génération en génération par la parole et rapporte à l’imaginaire collectif, à travers lequel se transmettent les savoirs, les valeurs culturelles, voire la civilisation d’un pays. Cette littérature orale malgache regroupe également les devinettes, les formules divinatoires, les maximes et dictons, les louanges, et enfin les plus connus, les contes, les fables, les épopées, les proverbes, les chants, et les mythes. Actuellement inondés par les anganom-bazaha, les contes étrangers et les films, les jeunes ont tendance à oublier la littérature orale d’autrefois. Dès lors, Paul Jaoravoana comme tous les olobe, n’a pas caché son inquiétude et a usé de tous les moyens pour conserver le patrimoine immatériel malgache qui s’effrite peu à peu dans le cœur de la jeunesse. Alors, il a enchaîné les récitals à la deuxième moitié des années 1990 et a multiplié les émissions pour que les enfants puissent revivre les mêmes sensations que leurs aînés.

Respecté par les chercheurs

Paul Congo n’est pas seulement un conteur, c’est un archiviste. Il a conservé aussi bien l’immatériel  que le matériel. Lors du colloque du département d’histoire d’Antananarivo sur la région septentrionale de l’Île, des historiens l’ont consulté. Dans son placard se trouvent d’anciennes photos et des documents concernant Antsiranana. Les chercheurs ont pu photocopier quelques papiers. A part les bibliothèques, les étudiants de la mention Sciences Humaines ont visité le grand homme. « Sa maison est plus composée d’archives que de décorations. Il conserve tout », renchérit Mika Rahoelinarindra, un sociologue qui lui a rendu visite en 2015. Conserver l’histoire est une tâche difficile, surtout lorsque la personne a en face d’elle des citoyens plongés profondément dans une crise identitaire. L’histoire contemporaine malgache, celle de la région du Nord en particulier, a pourtant fait couler beaucoup d’encre chez les chercheurs locaux et est surtout mémorisée par des personnages avec de fortes capacités mentales comme Paul Congo. Mais rares sont ceux qui lisent leurs œuvres et écoutent leurs récits. Même si les historiens et les gardiens traditionnels ont trouvé une autre manière de vulgariser l’histoire, en organisant des conférences dans les centres culturels, les jeunes ne remplissent pas les bancs de l’assistance. Qfj.midi. 06.02. Congo 1 Paul Jaoravoana a consacré sa vie à la culture . 

Le sportif 

Il contribue à l’organisation des Jeux de la francophonie en 1997 à Madagascar, est champion d’Afrique de boxe poids lourd, et champion de l’océan Indien de catch à quatre en 1979. Jaoravoana était un sportif dévoué. Raison pour laquelle il avait de bonnes conditions physiques.

… Les anciens ont passé le flambeau, mais les jeunes ignorent la valeur… « Lors de l’avènement de l’Internet à Madagascar, selon les conservateurs, les jeunes ne sont plus dociles. Parce que tout est vérifiable sur Internet. Alors, il est difficile pour nous, les vieux, de transmettre à nos petits. Ils ne nous écoutent pas. C’est tellement difficile que nous préférons rester dans notre coin », a avancé Nestor Ramaronamana, un senior de 75 ans. En effet, le désintéressement engendre une conséquence funeste, la déculturation. Un problème qui gangrène la société malgache actuelle. Donc, malgré les efforts qu’ils fournissent, les spécialistes du passé sont souvent accusés de ne pas accomplir leur mission. …..

Témoignages et hommages 

 «Je lui serai éternellement reconnaissant d’avoir participé à mon premier long métrage documentaire « TAVELA ». Sans lui, le film n’aurait pas eu autant d’amplitude. Le 4 août 2022, je lui rendais visite après plus de 4 ans. Il n’avait pas encore vu le film, donc j’ai décidé de lui organiser une projection privée chez lui, et on a passé un agréable moment. J’ai pu constater qu’il avait beaucoup aimé « TAVELA », cela le rendait fier d’y avoir participé et cela allait dans la continuité du travail auquel il avait consacré toute sa vie : protéger et promouvoir les cultures Sakalava et Antakaraña. Je suis touché par sa disparition car il emporte avec lui des centaines de contes et du savoir propres à nous, peuples du Nord de Madagascar. J’exprime mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches. Mandria ampiadanaña zoky Paul Congo. Nous continuerons ton travail», Geoffrey Gaspard réalisateur et photographe du documentaire « Tavela » sur le morengy.

« Il a bercé mon enfance et ma jeunesse, j’ai également eu l’opportunité de travailler avec lui quand il était responsable du cabinet de la culture à l’époque. Il me transmettait du savoir. En fait, le message de Paul Congo est simple, le respect. Il respectait tout le monde. Ce respect est significatif pour moi. En outre, j’aimerai dire ceci, souvent on accuse les anciens, il ne nous a pas passé le flambeau. Moi je dis, les jeunes doivent également rendre visite aux aînés. Ces derniers n’ont plus la force de se rendre dans les endroits publics, ce sont les jeunes qui doivent se déplacer » Jean Claude Velomana, journaliste chroniqueur. 

« Si on parle de Jaoravoana Paul, les générations 80-90-2000, ceux d’avant la connexion Internet, ont eu cette chance de l’écouter, avec ses récits pleins de feintes, pleins de sagesse. Il a fait vivre des images à travers ses contes. Paul Congo est plus qu’un conteur, c’est un réalisateur. Il a su donner le sentiment à tous ces récits. Il ne faisait pas que raconter, il donnait un coup de fouet dans ses mots et ses intonations. Le même conte n’est jamais raconté de la même manière… J’ai eu la chance lorsque je travaillais à l’Alliance Française de travailler avec lui. Il ne raconte pas de la même façon un conte. Il regarde les auditeurs… Il a laissé un héritage. Moi j’ai un regret, nous n’avons pas informatisé ce qu’il a fait. Pas de vidéo ou d’archive montrant Paul Congo conter, alors qu’on a eu la chance de mettre en évidence ses œuvres », Willison Bristowe, le Directeur régional de la Communication et de la Culture de la région Diana. Mercredi 8 février 2023, le corps du militant culturel sera inhumé au tombeau familial, à Antsakoamanondro, Ambanja 

Iss Heridiny 

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