Entre 2022 et 2023, deux artistes traditionnels de la région du Nord sont décédés. Ils incarnaient la culture de leur localité.
Ils étaient des griots, des mpiantsa modernes, des archivistes des us-et-coutumes malgaches, des haut-parleurs des aïeux. Pourtant de leur vivant, leurs compatriotes ne leur ont pas tendu l’oreille. Au contraire, ils les ont considérés comme des arriérés. Ont-ils été incompris ? Leurs idées étaient-elles plus avancées que celles des autres ? Leurs chansons sont des cantiques. Leurs bouches professaient la vérité. Leurs mélodies éveillaient l’âme passive. Ils modulaient leurs voix à plusieurs tons. Malheureusement, personne ne les croyait. Bien qu’ils remplissaient des salles et des pistes de danse, ils chantaient pour les quatre murs, car ils ne se sont pas fait comprendre. Cependant, durant leur vie, ils avaient de l’espoir qu’un jour, un individu décortiquerait leurs textes. Ils ont attendu des mois, des années… Dans le but de dévoiler certaines choses, l’une d’entre eux a pris une autre voie, la politique. Elle a consacré une partie de sa vie, pour ne pas dire qu’elle s’est sacrifiée pour que ses progénitures puissent consommer le fruit de la révolution qu’elle a entretenue. Hélas, elle a été jetée en prison, maltraitée, et pire…martyrisée. Le premier, quant à lui, était également gravement malade. À part une poignée d’artistes qui étaient restés à son chevet jusqu’à son dernier souffle, les autres sont restés indifférents à la vue d’une vidéo de lui, diffusée en direct depuis l’hôpital. Ceux qui prétendaient être ses fans, n’ont même pas réagi. Une fois qu’il est décédé, des larmes ont noyé les joues des soi-disant aficionados. Des larmes de crocodile… Ce qui est choquant dans l’histoire, c’est que tout le monde se prétend être de leurs familles. Les uns se disent de la même origine ethnique que le défunt !
Le 28 novembre 2022, lorsque Jaojoby a rendu un dernier hommage à son frère d’arme Janga Ratah en formulant des jôro et bénédictions à l’Antiromba, l’assistance et les followers sur Facebook ont affirmé d’une manière ironique qu’eux aussi sont les descendants de ce groupe humain. Mena Riaka, un passionné de la tradition du triangle du nord, s’est exprimé en disant, « Ils avaient honte de dire qu’ils sont des antiromba car ceux-ci ont une coutume très spécifique lors des cérémonies ancestrales, notamment la circoncision, le mariage et l’enterrement. Pour eux, les insultes sont des bénédictions. En fait, c’est une philosophie très particulière pour montrer qu’ils ne sont ni jaloux ni hypocrites. Et le roi du salegy a toujours mis en exergue cette pratique dans ses morceaux, tandis que les autres se sentent déshonorés quand les gens savent qu’ils sont issus de cette lignée ». Cas similaire pour Ninie Donia, cette dame était fière de ses origines. Zafinifotsy, elle l’était. D’ailleurs, de son vivant, elle le clamait haut et fort. Par conséquent, injures, mépris et outrages tombaient sur elle comme une avalanche. Mais, une fois qu’elle a quitté ce monde, le mot Zafinifotsy est devenu un refrain. C’est ce qu’on appelle de l’hypocrisie sociale ! Selon un sociologue qui désire taire son nom, « C’est le regret qui provoque ce sentiment spontané, pour soulager la conscience. Ils ont ignoré la personne pendant qu’elle était encore en vie. Et sa mort était tellement brusque qu’ils n’ont pas eu l’occasion de l’apprécier, ou de lui demander pardon. En fait, c’est tout à fait naturel. C’est la raison pour laquelle nos aïeux nous disent souvent de nous aimer les uns les autres parce que la mort est une séparation douloureuse. Le corps ne parlera plus, n’entendra aucun mot ni aucun cri… ». Ces artistes ont revendiqué leur identité à travers leurs musiques. Ils ont indiqué les lignes à suivre. Beaucoup ont dansé, répété leurs textes, mais n’ont rien retenu. Finalement, peu de gens ont décrypté le message. En outre, leurs textes doivent être étudiés à l’Université, car ils sont tonifiants.
Iss Heridiny