
Difficile pour le décès de l’ancien président de la République, Didier Ratsiraka, de passer inaperçu sur Facebook à Madagascar. Jusqu’à sa mort, le personnage génère des fractures sociales. A l’annonce de son décès, aux premières heures du 28 mars, la stupeur a d’abord frappé les « facebookeurs » et « facebookeuses ». Puis vers l’après-midi, les premières salves sont parties. « Je présente mes condoléances mais il est loin d’être un martyr de la patrie (mahery fo) pour moi », signale un internaute. « Je me souviens de toutes les fois où mes parents ont dû, dès les premières lueurs du jour, aller faire la queue pour pouvoir avoir du riz », se remémore un autre.
Sur Facebook, on aborde le carnage du 10 août 1991, avec ses morts, ses explosions sur les mines, ses tirs à balles réelles… Et le fait qu’aucune stèle n’ait été élevée à Iavoloha pour le commémorer, à l’instar de celui du 7 février 2009. A cette époque, on préférait probablement ne pas trop instrumentaliser le sang des autres. Les portés disparus durant les mandats de Didier Ratsiraka sont aussi cités. Tandis que d’autres « facebookeurs » tentent d’apaiser les propos. « Les malgaches ne s’entredéchirent pas sur un défunt », d’autant que celui-ci n’était pas encore enseveli. Ce à quoi d’autres rétorquent, « je pardonne mais je n’oublie pas ». Un travail énorme sur soi. Avec son décès, les mémoires se décrispent, les douleurs remontent.
D’après certains chercheurs, Facebook est aussi là pour dynamiser les cultures, du fait de la liberté accordée à tout un chacun d’évoquer ses états d’âme, dans le respect de la bienséance, sur le réseau social. Sur Facebook, on peut retrouver un auditoire libre de ses propos, mais aussi libre d’assimiler ceux des autres. Le facteur temps joue également de toute évidence un rôle essentiel sur ce réseau social. Dès lors, les systèmes de valeurs jouent au yoyo. Les enclos des certitudes des visions du monde et des systèmes de pensée s’élargissent. En ce qui concerne l’Amiral Rouge, le « Malagasy tsy miady amam–paty ». Traduction libre : « les malgaches ne s’entredéchirent pas sur un défunt » est greffé d’un travail de mémoire immédiat et bien sûr douloureux, pour toutes les parties. Tout cela dans la légitimité historique.
Quoi qu’il en soit, avec le décès de celui qui a dirigé Madagascar durant presque la moitié de son indépendance l’impression d’une histoire malgache contemporaine parsemée de blanc se dégage. Si celui qui « ne regrette rien » est évalué plus tard sur sa politique présidentielle. De bonne guerre. Les simples gens qui ont souffert des actes obscurs durant ses mandats traînent leur douleur pour, on ne sait jusqu’à quand.
Maminirina Rado