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vendredi, mai 9, 2025
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Andrianary Ratianarivo : « Diso lalana », anti-puritain et anti-« voay »

Toujours de rigueur jusqu’à ce millénaire, « Diso lalana » d’Andrianary Ratianarivo (1895-1949) chante en filigrane la plus vieille « chasse » du monde, la chasse à la femme pour le plaisir ou pour l’« à jamais ». Une leçon de vie en « bà gasy ».

En 1941, les ténors du nazisme pondaient leur soi-disant prometteur « plan Madagascar », faire de la Grande Île un camp de concentration géant. C’est dans un pays déphasé et ignorant son histoire qu’Andrianary Ratianarivo (1895-1949) sortait le mélancolique « Diso lalana ». A cette époque, le temps était au « blues ». Des familles déchirées par l’engagement forcé à l’armée française pour aller au front face aux Allemands. Finalement, la plupart finirent en chair à canon. Les harcèlements ou les relations imposées par les militaires coloniaux envers les filles de la capitale. L’inflation n’arrangeait en rien les choses. Tout poussait un artiste de la trempe de ce génie à imprégner sa musique de cette amertume soutenue par la mémoire des temps anciens, des temps de liberté. Avec son père, alors musicien à la cour royale déchu, ses perspectives s’amenuisent. Dès les premières diffusions, « Diso lalana » connaît le succès auprès de la jeunesse tananarivienne. La musique d’Andrianary Ratianarivo, sans bousculer les modes de convention de l’époque, sonnait plus « pop », s’éloignait des titres royaux et guerriers que jouaient souvent son père. Toutefois, l’influence de ce dernier a beaucoup enrichi la créativité de son fils. Le fils, qui préférait le piano, plus ample et minimaliste. Guitariste de très bon niveau également, il s’est juré de ne composer ses chansons qu’en malgache, sa manière de proclamer son patriotisme. Son lyrisme au « bà gasy », traduira qui pourra, a atteint son summum dans les années 40. « Diso lalana » sautille « en mesure 5/7 » d’après Fenomanana Ravoninarivo, spécialiste et professeur de bà gasy au piano, avec un usage prononcé de l’« apatra », ou aparté. « Andrianary Ratianarivo savait lire le solfège, il a fait des cours par correspondance », ajoute Tantely Ramaromiantso, un autre spécialiste du genre musical. « Sa particularité est de distiller de la musique classique dans ses œuvres », renchérit le professeur de piano. Ajouter à cela ce « blues » typique des musiques traditionnelles malgaches. Dès lors, le jazz, le classique, le terroir… résonnent presque dans ce titre d’amour déçu. Oser s’attaquer ainsi aux murs de la bâtisse érigée par les puristes de cette époque, il fallait le faire. En soliste pour femme, « Diso lalana » exprime une amertume introspective d’une jeunette dont le jupon a été « troussé » plus tôt que prévu par un baratineur, un « mamba » voire un « voay » dans le parler jeune actuel. Décidément, les Tananariviens savaient déjà se faire plaisir du temps d’Andrianary Ratianarivo. Cette « gaucherie » facile est magnifiquement métaphorisée dans les paroles : « nahare ny ‘’matokià’’ ka latsa-damba », à ne pas expliquer en détail aux âmes sensibles. Le monologue des textes souligne tout autant l’influence classique et l’opéra. Après le chagrin, la jeune dupée demande à l’amour de laisser son cœur dans son sommeil. La décision ultime. Ainsi se seraient érigés les fondements du féminisme à Madagascar.

Maminirina Rado

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