Les droits de l’Homme et la justice climatique ont été doublement rejetés durant la première semaine de la COP 24. Premièrement dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris où les parties les ont ignorés. Deuxièmement, en amont et pendant la marche (de protestation) pour le climat samedi dernier, où près de 161 individus ont été arrêtés par la police polonaise.
A titre informatif ou de rappel (c’est selon), rappelons le lien entre les droits humains et la lutte contre les changements climatiques et comment l’Agenda de la mise en œuvre de l’Accord de Paris a « rejeté » ces droits humains. La violation et la destruction de l’environnement (et de l’habitat naturel par extension) est une violation du droit de l’individu de vivre une vie décente autant matériellement qu’écologiquement. Or au regard de l’Histoire, les pays développés et le secteur privé, qui se sont massivement industrialisés grâce aux énergies fossiles ont une responsabilité historique envers les pays en voie de développement et les populations indigènes qui ont été chassées de leurs terres pour la mise en œuvre de projet d’exploitation d’énergies fossiles. Pour ne parler que des Amérindiens de l’Amazonie, les aborigènes de l’Australie, ou encore les indigènes de Norvège ou du Canada et de toute l’Amérique du Nord, etc. Pourtant, il est à rappeler que ces populations ont gardé séculairement des savoirs traditionnels sur la préservation de la biodiversité et de leur écosystème. Philip Jakpor, Nigérien et activiste œuvrant pour la protection des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques de rajouter : « Ces pays et ces organisations ont ainsi violé les droits de l’Homme et dans les zones concernées dont la biodiversité a été détruite. » D’où le concept de justice climatique qui exige que, justice soit faite et rendue aux pays en voie de développement et à leur population par rapport aux pertes et préjudices causés. Vidya Dinker, Présidente de l’Indian Social Action Forum de rajouter lors de la marche pour le climat de Samedi dernier : « Nous réclamons la Justice climatique et nous la voulons ici et maintenant. Il est temps d’agir, nous avons assez parlé. Réveillez-vous les politiciens, le financement climatique n’est pas une charité ! Un autre monde est possible» (traduit librement de: « We want climate justice and we want it now. Climate finance is not a charity. Another world is possible.”)
Accord de Paris. Le lien avec l’Accord de Paris, réside dans les décisions afférentes au marché de carbone. Malgré maints plaidoyers, un mécanisme concernant le côté mercantile du stockage de carbone a été adopté. Ce mécanisme permet aux industries fossiles de continuer à « émettre du carbone », ie : poursuivre leurs exploitations, tout en achetant du carbone aux pays en voie de développement. Certes en même temps, ils contribuent à la préservation des forêts dans les pays du Sud et les pays les moins avancés pour le stockage du carbone, mais cela signifie également qu’ils peuvent continuer à polluer et juste compenser et faire du « brainwashing » et du « green washing » en achetant les crédits carbone, dont le cours ne cesse de se déprécier, jusqu’à en être dérisoire. Il est clair que l’environnement et la biodiversité des pays du Sud continueront d’être dévastés et par ricochet la vie des populations et communautés qui y vivent. Sans parler de la pollution de l’air et du réchauffement climatique global qui devrait idéalement, être en dessous de 1,5°C pour la survie de l’Humanité. Tout cela, les parties semblent l’avoir royalement ignoré et c’est contre cela que protestent les activistes , les Organisations de la Société civile et les associations des populations indigènes œuvrant pour la justice climatique. La transition énergétique qui vise à long terme à l’arrêt de l’exploitation des énergies fossiles (donc moins d’émissions de carbone, moins de réchauffement climatique, moins de vies détruites, moins de décès, etc.)
Marche pour le climat. Le lundi 10 décembre, célébration du 77e anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme, plusieurs manifestations sur les droits de l’Homme, dont trois conférences de presse ont été organisées à Katowice. A cette occasion, les activistes, ONG et autres organisations de la société civile luttant pour le respect des droits humains et la justice climatique, ont décidé de renforcer leurs revendications. Notamment en raison des arrestations massives qui ont eu lieu en amont de la marche de protestation à Katowice (samedi 8 décembre). D’après les données recueillies, près de 161 personnes ont été arrêtées en amont de la COP 24 jusqu’à samedi dernier. Une quinzaine d’entre eux sont encore détenues. Nombre de ces individus sont des activistes (notamment des Ukrainiens, des Géorgiens, des Belges, des Allemands, des Kirghizstan, etc.), d’autres ont été arrêtés aux frontières et un autre, un reporter ukrainien, coincé à l’aéroport de Varsovie. D’après les explications de Svitlana Romanko de 350.org, les arrestations étaient justifiées pour des raisons politiques, car du point de vue légal, elles ne l’étaient pas. Par ailleurs, un membre de la délégation brésilienne a même été tiré par balle, ce qui a conduit le pays à retirer la candidature de son pays à la présidence de la COP 25 (ce qui implique que la présidence de la COP sera ainsi probablement attribuée à la Costa- Rica, comme annoncée lors de l’ouverture) ; etc. S.Romanko exhorte ainsi la présidence de la COP24 à ne plus reproduire ses détentions arbitraires, d’être clair et précis quant à la guidance destinée aux étrangers participants à la COP ; et de dire non à cette tendance dangereuse de la discrimination d’autrui, de la xénophobie, qui malheureusement, gagne du terrain au niveau global. Avant de conclure en disant que : « L’être humain, les populations, les communautés font encore la différence ! »
Luz Razafimbelo