
Des jeunes issus de dix-sept établissements scolaires d’Antananarivo ont été sensibilisés hier sur la santé sexuelle et reproductive.
Vicieux, pervers et tabous, quelques mots utilisés par la société malgache pour qualifier la santé sexuelle et reproductive, ou la sexualité en général. Une façon de voir les choses que les Malgaches n’arrivent pas à garder pour eux et qui se manifeste dans leur quotidien. Mais surtout durant les actions de sensibilisation communautaire sur la sexualité des jeunes menées par les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la santé. Ce que Ando Randrianandrasana, responsable communautaire auprès du projet Santé sexuelle et reproductive, médecin du Monde a confirmé lors de la sensibilisation de masse sur la santé sexuelle et de la reproduction à Ampefiloha hier : « Les consultations publiques menées au niveau de cents fokontany d’Antananarivo nous ont permis d’observer que les parents d’un certain âge ont du mal à discuter de sexualité en général. La gêne se manifeste le plus lorsqu’il s’agit de leur faire comprendre qu’il faut parler de sexualité avec leurs enfants, que c’est aux parents de leur expliquer ce qu’il faut savoir sur la sexualité : le fait que c’est naturel, les risques et comment les éviter ». Outre la gêne, il y aurait également un certain refus chez les parents d’admettre et d’accepter l’idée que leurs enfants peuvent avoir une vie et des activités sexuelles. « Sur les consultations menées, beaucoup de parents ont eu du mal à accepter que leurs enfants sont en âge d’avoir des activités sexuelles » note Ando Randrianandrasana. Avant d’interpeller sur la nécessité pour les parents et les enfants d’avoir des discussions saines, se déroulant dans le respect mutuel, claires et instructives sur la question de santé sexuelle et reproductive. « Il faut en discuter parce que c’est naturel, et qu’un jour ou l’autre les enfants feront le passage vers les activités sexuelles. Les conseils des parents ou encore des médecins sont mille fois meilleurs que ce qu’on peut apprendre des sources telles que les vidéos pornographiques ou encore les idées reçues des amis » a noté notre interlocutrice.
Réalité. Si l’inexistence de discussion entre parents et jeunes ou encore la difficulté pour les parents d’aborder la question de la sexualité à leurs enfants tiendraient du poids de la culture, leurs conséquences sont désastreuses sur l’avenir et la vie des jeunes. « Le manque considérable d’éducation sexuelle entraîne la hausse incessante du taux de grossesse précoce. Cela a également un impact considérable sur l’âge du premier rapport sexuel chez les jeunes » souligne Ando Randrianandrasana. Les statistiques de l’enquête MICS 2018 ou Enquête par grappe à indicateurs multiples fait savoir – au niveau national – que « 36% des femmes âgées de 20 à 49 ans ont eu une naissance vivante avant l’âge de 18 ans ». Ladite enquête également d’indiquer que 23% des femmes de 20 à 24 ans ont eu une naissance avant l’âge de 18 ans. Un pourcentage correspondant aux femmes habitant les zones urbaines tandis que le taux est de 40% en milieu rural. De telles statistiques placent Madagascar – selon le classement World Atlas 2015 – au 13e rang des pays à avoir un taux de prévalence de la grossesse précoce le plus élevé au monde. Une situation inquiétante dont la première façon d’y remédier serait une implication des parents dans l’éducation sexuelle de leurs enfants.
José Belalahy