A l’heure où le monde veut sauver la planète de l’urgence climatique, depuis un petit village de Mananasy, Ricky Herimiary tente de faire tout ce qu’il peut pour protéger l’environnement. Celui de l’Itasy en premier lieu et de Madagascar ensuite.
Mananasy, une petite localité située à quelques encablures de la commune de Soavinandriana Itasy, y vit un « toubib » de l’environnement. Ricky Herimiary, mari et père de famille de deux garçons a le sourire facile. Un pur gars d’Antananarivo. La manière de parler, le gestuel, on voit mal pourquoi il a décidé de plier bagage pour vivre dans ce village reculé. D’autant que c’est un spécialiste diplômé d’ingénierie en froid. « Heureusement que j’étais venu ici, sinon je n’aurai jamais su ce qu’était le biogaz », s’amuse-t-il à dire.
Aujourd’hui, sa maison est indépendant énergétiquement. Il ne paie plus sa facture d’eau et d’électricité. Cerise sur le gâteau, il possède du gaz, qu’il fabrique lui-même. « Tout est gratuit », se réjouit sa femme. Une fierté non feinte puisque depuis quelques années, le couple arrive à économiser. « Bien sur l’installation a coûté chère, une importante somme, mais au final il n’y a plus aucun regret maintenant », ajoute Ricky Herimiary. Arrivé chez eux, le visiteur sera toujours tenté de faire une visite des lieux.
Alors, dans la cour de leur maison se trouve six bidons bleus. Dans lesquels sont déposés des déchets. « Ici, les bouses de zébus ne manquent pas ». Un tuyau emmène le gaz issu de la fermentation de ces matières vers deux autres bidons de rétention en guise de bouteille, comme on trouve dans de nombreuses cuisines de la capitale. Un autre tube dirige le combustible vers un réchaud à gaz à deux feux. « Pour la sécurité, j’ai réussi à insérer un système anti retour de flamme. Le méthane est très inflammable », fait-il savoir. Surement, ce maître d’école fait confiance à son système pour qu’il l’installe chez lui.
Rêveur engagé. Avec tout cela, Ricky Herimiary dispose de six heures de gaz par jour. Il s’explique, « La répartition est simple, deux heures le matin, deux heures à midi et deux heures le soir. Des fois, nous n’arrivons même pas à finir tout le gaz et elle s’évapore. Mais le lendemain, on en dispose déjà ». Toute l’installation est garantie dix ans. « Ma femme m’a dit d’être plus modeste, j’ai même donné vingt ans, mais elle m’a recadré, alors, j’ai obtempéré », rappelle cet enseignant de formation. Puisque son aventure ne s’est pas arrêtée à une fabrication personnelle, sa réputation grandit de bouche à oreille.
Ce mois de décembre, lui et sa femme sont allés à moto, puisque depuis Mananasy on peut rejoindre Faratsiho en quelques heures, à Ambohimandroso. Là-bas, un grand hôtel leur ont proposé de mettre sur pied une installation biogaz destinée à alimenter continuellement, soit 24 h /24 h, plus de cinquante feux. Un chantier de titan. Lui qui a déjà placé un système dans deux écoles, pour la cuisson du repas de cantines. Cette fois, il va s’attaquer à une montagne.
« Pas besoin de bidons, ce sera une bâche spéciale », assure-t-il. « Le plan précis est déjà dans ma tête, mais c’est ma femme qui me dit si j’oublie quelque chose. Lors des discussions avec les demandeurs, je ne pense pas trop parce que je suis pressé de réaliser les travaux, alors, elle est là pour me ramener sur terre », rigole-t-il. Dans la tête de Ricky Herimiary, c’est surtout un combat extrêmement urgent qui se joue.
Le biogaz, pour lui c’est synonyme de la lutte pour la préservation de l’environnement. Dans une localité où il y a encore quelques années, la forêt se trouvait encore à quelques centaines de mètres du pas de sa porte. Il veut alerter sur la destruction inéluctable de la faune de l’Itasy. « Il y a un village ici qui fait rire la population de la région, il y a encore une vingtaine d’années, il était entouré d’une forêt. Maintenant, il n’y a plus un seul arbre », évoque Ricky Herimiary. Il parait que les habitants de cet hameau serait dénommé les habitants du village chauve.
Eviter l’inéluctable. Et le paradoxe réside dans l’état du sol de l’Itasy. D’une richesse inestimable, les volcans endormis de la région fournie d’énorme nutriment à la terre qu’au sommet des montagnes se trouvent des rizières ou d’autres cultures. Elles côtoient fièrement des vestiges ancestraux, les parcs à zébus de Rasoalao, la sœur de Rapeto. « Tout ce que vous plantez ici pousse », tient à marquer le beau-père de Ricky Herimiary. Ce septuagénaire originaire de Mananasy a vu la décadence environnementale de la région. La terre de moins en moins prospère, la rivière d’Ampefy qui se dessèche chaque année… De la manière dont il regarde son beau-fils, il soutient fermement le combat de celui-ci.
« Je suis sûr que le biogaz pourra apporter son pierre à l’édifice pour la préservation de notre écosystème. Puisque à terme, je suis encore en train de faire des recherches, nous pourrons utiliser tous les déchets sans perte », avance Ricky Herimiary. Malgré l’efficience de ses installations, il continue toujours à améliorer. Son défi est de réduire le volume d’occupation. Il cherche à développer sa technique pour l’adapter au milieu urbain.
Son rêve le plus proche est de fournir du gaz à emporter à Mananasy. Pour les matières premières, pas de problème. Les zébus sont comme des bêtes de salon dans le village. Les feuilles mortes, les ordures ménagères, tout cela est utilisable. Pour son premier montage réalisé dans une école publique dans les environs de Carion, il a récolté tous les ordures après les ménages scolaires. Cela a largement suffi pour rendre opérationnel les réchauds. « Quand le système est en marche, il ne suffit plus que de six kilos de déchets par jour, pour une installation standard, comme la mienne », confie-t-il.
Richesses reconsidérées. Dès lors, son défi reste la miniaturisation. Dans le village de Mananasy, le charbon de bois et les bois de chauffe restent les principales sources de feu de cuisson. Un de ces jours, il proposera un kit portable pour fournir au moins deux heures de gaz par jour aux villageois. Moyennant une somme, juste pour se payer le kit puisque les bouses sont gratuites. Que ces derniers vont ensuite emporter chez eux et revenir le lendemain. « C’est mon rêve, je vis ici vous savez ».
En attendant, il divulgue des formations concernant le biogaz. « J’estime que tout le monde devrait avoir ce savoir-faire et chacun pourra s’équiper », pense-t-il. Le partage, c’est décidément le principal caractère des amoureux de l’environnement. En formant des personnes, à coup de frais, juste pour assurer son déplacement et la location des salles, il souhaite démocratiser le biogaz rapidement. « Je mets à jour mes techniques et je les apporte à chacune des formations, je ne fais aucune rétention puisque c’est vital ».
Des jours, quand Ricky Herimiary et sa femme monte en ville. En voyant les montagnes d’ordure jonchant les rues. Le couple y voit tout simplement une richesse.
Maminirina Rado
C’est un bon truc. Courage et bonne continuation.