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vendredi, mai 9, 2025
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Tourisme à Nosy-Be : Entre potentiel affirmé et défis d’infrastructures

Yavy Tatiana Rambeloson, déléguée du tourisme et de l’artisanat à Nosy-Be.

Nichée au large de la côte nord-ouest de Madagascar, Nosy-Be, la perle de l’Océan Indien, retrouve peu à peu sa place de choix sur la carte mondiale du tourisme. Après les années moroses, causées par la pandémie, l’île affiche un regain d’attractivité, avec une fréquentation en hausse quasi constante. En cette année 2025, ce joyau tropical espère accueillir 120 000 visiteurs. Mais à l’horizon 2028, la barre est bien plus haute : atteindre les 300 000 touristes annuels, soit 30% du million de visiteurs que le gouvernement ambitionne d’attirer à l’échelle nationale.

Un objectif audacieux, mais encore loin d’être soutenu par des infrastructures à la hauteur. À Nosy-Be, la déléguée du Tourisme et de l’Artisanat, Yavy Tatiana Rambeloson, ne ménage pas ses efforts pour faire de l’île une destination phare. Elle le reconnaît. « La tendance est à la hausse. Nosy-Be a retrouvé son souffle. Mais pour accueillir dignement 300 000 touristes, il nous faut davantage d’infrastructures. »

Aujourd’hui, la ville recense quelque 300 établissements d’hébergement et de restauration, et environ 80 entreprises de voyage. Des chiffres qui témoignent d’un écosystème touristique déjà bien vivant, mais qui montrent aussi leurs limites face à la montée en puissance de la demande. Les capacités d’accueil, la desserte aérienne, l’accès à l’eau potable, ou encore la gestion des déchets sont autant de défis qu’il faudra relever rapidement.

Une stratégie administrative structurante

Face à cette urgence de développement maîtrisé, l’administration locale ne reste pas les bras croisés. Des réformes administratives et juridiques, au niveau national, ont déjà été engagées pour fluidifier le climat des affaires et inciter les investisseurs à miser sur Nosy-Be. « Nous voulons que Nosy-Be devienne une vitrine de l’excellence touristique à Madagascar, non seulement pour les visiteurs mais aussi pour les entrepreneurs », affirme Yavy Tatiana Rambeloson. Au niveau local, la mise en place du Comité de développement du tourisme est l’un des leviers majeurs de cette stratégie. Ce comité tripartite, regroupant les représentants de l’État, du secteur privé local et de la société civile, constitue un cadre de concertation entre les acteurs. Il s’agit d’un outil crucial pour construire une gouvernance touristique cohérente, intégrée et orientée vers l’action.

Pourtant, malgré cette dynamique administrative et l’enthousiasme croissant autour de la destination, un constat s’impose : les infrastructures tardent à suivre le rythme des ambitions. L’hébergement, bien que dense pour une île de cette taille, est encore inégalement réparti et souvent concentré sur certaines zones côtières. Avec 300 établissements d’hébergement et de restauration déjà en activité, Nosy-Be affiche un certain dynamisme touristique. Pourtant, cette offre pourrait rapidement devenir insuffisante – voire saturée – face aux objectifs fixés pour 2028. Pour accueillir 300 000 touristes par an, soit plus du double des prévisions pour 2025 (120 000), l’île doit revoir à la hausse ses capacités d’hébergement, mais aussi leur diversité et leur qualité.

En supposant une durée moyenne de séjour de 7 jours, accueillir 300 000 touristes annuels équivaut à environ 5,7 millions de nuitées par an. Cela nécessiterait, à titre indicatif, environ 16 000 lits touristiques permanents(contre une estimation bien inférieure actuellement). Il ne s’agit donc pas seulement de multiplier les établissements, mais d’accroître significativement leur capacité. Et pour viser un tourisme de qualité, à haute valeur ajoutée, tel que souhaite l’administration, Nosy-Be devra attirer des établissements de standing moyen et supérieur, ainsi que des résidences hôtelières ou écolodges qui répondent aux nouvelles attentes des voyageurs (durabilité, confort, expériences locales). La majorité des hébergements se concentrent autour de Hell-Ville, Ambatoloaka ou Andilana. Pour désengorger ces pôles touristiques et valoriser d’autres zones de l’île, des investissements doivent être orientés vers des secteurs encore peu exploités, mais qui présentent un fort potentiel naturel et culturel.

L’expansion des hébergements doit se faire dans un cadre respectueux des ressources locales, notamment en matière d’énergie, d’eau, de gestion des déchets et d’intégration paysagère. Le développement des écolodges ou hôtels labellisés « verts » constitue un créneau prometteur à explorer. La gestion environnementale devra impérativement être renforcée pour éviter que la croissance touristique ne devienne une menace pour les écosystèmes que les visiteurs viennent justement admirer.

Le véritable défi de Nosy-Be n’est donc pas tant de faire venir les touristes, mais de leur offrir une expérience qui les incite à rester, à revenir et à recommander. Cela passe par une qualité de service irréprochable, une montée en gamme de l’offre, une meilleure connectivité, et surtout une stratégie d’aménagement du territoire pensée sur le long terme. La fenêtre est étroite, mais l’élan est bien là. Nosy-Be peut devenir le symbole d’un tourisme responsable et rentable à Madagascar, à condition que les investissements suivent, et que les ambitions soient accompagnées de moyens concrets. Comme le rappelle la déléguée Yavy Tatiana Rambeloson, « le potentiel est là. Ce qu’il nous faut désormais, c’est une accélération collective. »

Nosy Sakatia est un joyau touristique à Nosy-Be.

Le pari de Green Mada Land à Sakatia

Alors que Nosy-Be multiplie les initiatives pour atteindre ses objectifs de fréquentation touristique, certaines destinations comme Nosy Sakatia tracent leur propre voie, entre développement structuré et conscience sociale. Cette petite île paradisiaque au large de Nosy-Be devient aujourd’hui le théâtre d’un projet ambitieux porté par Green Mada Land, une société malgache dirigée par des natifs de la région, qui veut faire de Sakatia un modèle de développement économique durable.

Sélectionnée à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt initié par le ministère du Tourisme, la société Green Mada Land a décroché le droit d’exploitation d’une partie de la Réserve Foncière Ampasindava-Sakatia, soit un peu plus de 17 hectares sur les 567 que compte le site. Ce droit s’appuie sur un bail emphytéotique de 50 ans, en vigueur depuis 2016. Ce projet, présenté comme un modèle d’innovation dans le secteur, a été plébiscité lors du Forum National des Investissements. Il repose sur un business plan rigoureux et des études environnementales approfondies, gages de sa viabilité économique mais aussi de sa compatibilité avec les écosystèmes locaux.

Des produits artisanaux exposés par des brodeuses locales à Sakatia.

Entre attentes économiques et préoccupations sociales

Pour la commune urbaine de Nosy-Be, ce projet représente une opportunité concrète de développement. Le maire, Aly Aboudou, ne cache pas son enthousiasme. « Ce projet est pourvoyeur d’emplois et générateur de revenus pour la municipalité. Avec les taxes de séjour et les impôts fonciers, il contribuera directement à nos ressources locales », avance-t-il. Le maire dénonce au passage l’impact néfaste des activités touristiques informelles menées par certains étrangers à Sakatia, échappant au contrôle fiscal et nuisant à la régulation du secteur. « Nous avons besoin de projets formels, encadrés et légaux, comme celui-ci, pour structurer durablement l’économie touristique de Nosy-Be », insiste-t-il.

Mais sur le terrain, les villageois de Sakatia veulent faire entendre leurs voix. Clément Andrianasolo, président du fokontany de Sakatia, relaye les préoccupations locales : « Nous ne sommes pas opposés au projet, mais nous voulons dialoguer avec le promoteur pour nous assurer que les activités qui faisaient déjà vivre certains ménages ne seront pas écartées. » Cette demande de dialogue communautaire illustre un point important souvent négligé dans d’autres projets touristiques à Madagascar : la nécessité d’une intégration réelle des populations locales dans la conception et la mise en œuvre des projets. Bé Jean Odilon, villageois ayant longtemps travaillé dans le secteur touristique, le résume bien : « Nous souhaitons une valorisation de nos activités dans le cadre du projet. »

Consciente de ces attentes, Green Mada Land affirme sa volonté de conjuguer innovation et inclusion locale. L’entreprise se positionne comme un acteur du « tourisme durable », soucieux de concilier rentabilité, respect de l’environnement et ancrage communautaire. Si cette ambition se traduit dans les faits, Nosy Sakatia pourrait bien devenir un modèle réplicable pour d’autres zones à fort potentiel touristique à Madagascar. Mais la réussite du projet dépendra d’une chose essentielle : la qualité du dialogue entre investisseurs, autorités et communautés locales. Car sur cette île où les équilibres sont aussi fragiles que les récifs coralliens, le développement ne pourra être durable que s’il est partagé.

L’engagement de l’administration à créer un environnement sécurisé et attractif pour les investisseurs

Niaina Angelo Tilahizandry, préfet de police de Nosy-Be.

À Nosy-Be, les autorités locales redoublent d’efforts pour poser les fondations d’un développement touristique durable. Le préfet de police de la ville, Niaina Angelo Tilahizandry, l’affirme : « Nous ne ménageons pas nos efforts pour améliorer le climat des affaires à Nosy-Be. » Dans cette dynamique, l’administration locale place le secteur formel du tourisme au cœur de ses priorités, avec pour objectif de créer un environnement sécurisé, transparent et attractif pour les investisseurs. « Nous avons déjà mené des actions concrètes allant dans ce sens », précise le préfet.

Parmi les axes d’intervention cités, la lutte contre les occupations illicites de terrain, souvent sources de conflits fonciers, figure en bonne place, selon toujours Niaina Angelo Tilahizandry. À cela s’ajoutent la répression du tourisme sexuel et la régulation des activités irrégulières menées par certains étrangers, autant de problématiques sensibles qui peuvent ternir l’image de la destination et freiner les investissements. Ces actions s’inscrivent dans une volonté plus large de renforcer la gouvernance du secteur touristique à Nosy-Be et d’asseoir durablement les bases d’un développement respectueux des lois, de l’environnement et des communautés locales.

Dossier réalisé par Rija R.

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