L’Afrique reste un terrain fertile pour l’exploitation des enfants. Les conflits armés, les changements climatiques, des pratiques culturelles, les flux migratoires ne font qu’accélérer la vulnérabilité des enfants dans ce continent. M. Raphael Kariuki, Directeur régional de Terre des Hommes Netherlands pour l’Afrique nous livre un point sur la situation.
Journaliste (J) : Les statistiques semblent alarmantes sur ce sujet. Qu’en pensez-vous?
Raphael Kariuki (R.K) : Dans le chaos et les déplacements qui suivent les crises mondiales, les enfants perdent souvent la protection de leur famille et de leur communauté. Ils sont alors exposés à la traite, à l’exploitation sexuelle, au travail forcé et au recrutement par des groupes armés. Des événements tels que les conflits armés et les catastrophes climatiques et socio-naturelles déclenchent des crises humanitaires dans différentes parties du monde. La vulnérabilité des enfants à l’exploitation s’en trouve alors accrue de manière significative. Selon le rapport de ReliefWeb de l’année 2024 sur l’Action Humanitaire en faveur des Enfants, près de 49 millions d’enfants en Afrique ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, 48,4 millions d’enfants ont besoin d’une aide d’urgence en raison des conflits en cours, des déplacements de population généralisés et des urgences sanitaires récurrentes. Ces statistiques révèlent une réalité inquiétante : des millions d’enfants à travers le continent grandissent dans des zones de conflit ou les fuient. Leur vulnérabilité devrait nous inciter à protéger et à soutenir ces enfants et à leur assurer un avenir radieux. Lorsque les structures de protection – telles que les familles, les communautés et les services gouvernementaux – s’effondrent, les enfants sont laissés sans protection. Les difficultés économiques plongent les familles dans des situations désespérées, ce qui entraîne des pratiques d’exploitation.
J : Quid des répercussions des crises internationales sur les enfants en Afrique?
R. K : Le traumatisme causé par la vie en crise augmente également le risque d’abus, car les enfants et leurs familles luttent pour faire face à la situation. Les crises réduisent à néant les progrès réalisés dans la lutte contre les normes et pratiques socioculturelles négatives qui propagent l’exploitation et la maltraitance des enfants. L’exploitation des enfants dans le contexte humanitaire est profondément liée à un ensemble complexe de défis mondiaux. Ces défis comprennent la pauvreté, les conflits, la fragilité, les urgences liées au climat, les déplacements forcés, les normes sociales et de genre, ainsi que la dynamique inhérente aux réponses humanitaires. Le monde a récemment célébré la Journée mondiale de l’aide humanitaire. Mais chaque jour où des enfants sont en danger est un jour de trop. C’est pourquoi nous voulons attirer l’attention sur les luttes des enfants pris entre deux feux dans ces situations d’urgence humanitaire.
J : Quelles actions pour rélever le défi difficile de rendre un avenir radieux aux enfants africains?
R.K : En tant que leaders d’opinion au sein des gouvernements et de la sphère non gouvernementale, les gouvernements africains et les organisations telles que la nôtre doivent relever le défi qui se présente à nous et fournir les interventions nécessaires. N’hésitons pas à faire de petits pas individuels pour assurer la sécurité de ces enfants. Au cours des deux dernières années, Terre des Hommes Netherlands a apporté son soutien aux enfants, à leurs familles et aux communautés locales dans le cadre de la crise qui sévit en Éthiopie, notamment en raison du conflit et de la sécheresse. Ce soutien a pris la forme d’une aide à la protection individuelle, de la création d’espaces adaptés aux enfants, d’un accès à une éducation alternative, ainsi que de services psychosociaux et de santé mentale. Terre des Hommes Netherlands a également apporté son soutien aux enfants et à leurs familles dans des circonstances difficiles en leur fournissant de l’argent liquide à usages multiples, ainsi qu’en créant et en facilitant l’accès à des installations adaptées aux femmes. L’organisation renforce également les systèmes locaux de protection de l’enfance en renforçant les capacités des bureaux gouvernementaux et des comités de protection de l’enfance et en sensibilisant les communautés. Il est important de noter que toutes les solutions recherchées et mises en œuvre pour protéger les enfants doivent être axées sur la communauté. Si ce n’est pas le cas, nous sommes condamnés à nous retrouver à nouveau dans le cycle de la prise en charge de millions d’enfants vivant dans l’ombre des crises.
J : Qu’en est-il de l’engagement de votre organisation dans cette lutte contre l’exploitation des enfants?
R.K : À Terres des Hommes Netherlands, notre théorie du changement se concentre sur la collaboration et les partenariats, ainsi que sur des approches centrées sur l’enfant, tenant compte des traumatismes, sensibles au genre et transversales. Nous ne pouvons pas le faire seuls. L’impact collectif ne peut être obtenu que si nous tirons parti et complétons le travail d’autres agences pour assurer la sécurité de nos enfants. Nous sommes convaincus que nous sommes plus efficaces ensemble pour mettre fin à l’exploitation des enfants. Engageons-nous à réaliser un monde où chaque enfant peut grandir en sécurité, à l’abri de l’exploitation, et avec la possibilité de poursuivre et de réaliser ses rêves. Un appel à des Solutions Communautaires et Collaboratives dans le cadre des Crises Humanitaires demeure prioritaire pour faire face à la situation.