
Les amateurs de peinture, les apprentis, les visiteurs éclairés ont raté le coche s’ils n’ont pas passé au moins quelques minutes, ou quelques heures, à l’exposition des maîtres de la peinture malgache du XXème siècle à l’Hôtel de Ville Analakely, prévue se clôturer hier.
Il faut y aller et voir au-delà d’une simple installation sur laquelle on étale son regard précipitamment, sans s’attarder sur ces surveillants en uniforme blasés, qui ne savent pas qu’ils gardent des trésors de la peinture malgache. Ramanakamonjy, Ratovo, Ramiandrasoa, Ramaniraka, Rambinintsoa, Rasamoelina et bien d’autres. 77 œuvres d’art qu’il faut prendre le temps d’admirer pour ressentir cette époque, pour participer à ces portraits fiers, distancés et spontanés.
De ces paysages ombrés d’intrigue, contemplatifs quelque fois inquiétants. De la traversée fulgurante des techniques : aquarelle, fusain, acrylique… en une courte période. A se demander si ces maîtres voulaient rattraper au plus vite le temps perdu, ou retrouver des émotions, des regards, des quotidiens, perturbés jusqu’aux racines. Une esthétique enlacée à l’individu, ici le malgache, quand la nature sert de décor foisonnant, amical, quoiqu’imposant.
Ces quelques scènes de vie entre les maisons typiques, la charrette, les zébus, les marchés… Bien que ces 77 tableaux soient accrochés fièrement sur les murs de l’Hôtel de Ville, ils ne résumeront guère la magnificence d’une époque. Une époque bénie pour les générations de peintres actuels. Alors, il faut se laisser aller à scruter une à une chaque œuvre. Se laisser perdre par une grande propriété, devenue d’un coup si petite, toisée par une chaîne montagnarde.

Éloignée de quelques hameaux, la bâtisse reçoit la fraîcheur d’un lac entouré d’une forêt et quelques rizières. Une quête du confort dans l’éloignement, illustration poétique de la distanciation sociale en milieu rural ou autre. Chacun peut y aller de son interprétation. Ce chef d’œuvre d’Emile Ralambo (1879–1963) ne laissera personne indifférent. La visite pourrait se poursuivre mais le temps est incommode.
Alors autant clôturer cette rêverie artistique sur ces travaux chirurgicaux d’Ambroise Rakoto. Sortant du format rectangulaire, son dessin se fait sur un support ovale. Hérésie ou révolution à cette époque, la question se pose. Sauf si c’est le détenteur ou la détentrice de l’œuvre qui l’a présentée ainsi. Partout où son regard se porte, le visiteur ressent l’homogénéité de cet ensemble. Une sorte d’orchestration visuelle, sans doute la naissance du style « malgache ».
A travers les traits, les coups de pinceaux et les compositions de ces maîtres, réitérer cette exposition serait une bonne idée.
Maminirina Rado