Le SG du syndicat des magistrats de Madagascar (SMM) continue de crever l’abcès à travers le vice de procédure « flagrant » sur le transfert de compétence du dossier kidnapping.Interview.
Midi Madagasikara (M.M) : Vous avez toujours mentionné qu’il y a un vice de procédure dans ce transfert de compétence concernant l’affaire kidnapping. Pouvez-vous soutenir vos idées ?
Faniry Ernaivo (F.E) : Effectivement, la loi prévoit le dessaisissement ou renvoi d’une juridiction à une autre suivant l’art 40 du Code de procédure pénale et les articles 95 et 96 de la loi 2004-036 sur la Cour Suprême. Si on résume ces textes, un dessaisissement doit commencer par une requête, soit du Ministère public, de la partie civile, des prévenus ou du Procureur Général de la Cour de Cassation. Et la lettre de dessaisissement est un arrêt mais pas une ordonnance. Ainsi, le 14 janvier dernier, au moment où la délégation venue récupérer les prévenus et le dossier du Kidnapping de Toamasina, il n’y avait de tel document, que ce soit un arrêt ni une ordonnance. Ainsi, cet acte est complètement ILLEGAL. En outre pour transférer des détenus, aussi dangereux soient-ils et pour quelque raison que ce soit, une autorisation écrite du Juge d’instruction chargé du dossier, avec une autorisation délivrée par le Min Jus est obligatoire, en mentionnant le lieu où ces détenus seront transférés. Mais également ces détenus ont tout simplement été sortis de prison par une délégation armée et sur ordre verbal venant de Haut lieu (là il va falloir vérifier qui a donné l’ordre, Min Jus ou une autre autorité). Il y a donc eu double violation de la loi. En outre, il a été dit que le Procureur de la République de Tamatave a reçu une lettre de dessaisissement vendredi dernier… quelle que soit la date de cette lettre, elle ne peut être qu’une lettre confectionnée pour les besoins de la cause en vue de régulariser ces actes illégaux. Mais jusqu’à ce jour, à notre connaissance, il n’y a pas eu d’ordre d’extraction et d’ordonnance de transfert des détenus de Tamatave à Ambatolampy (là où ils seraient actuellement selon les indiscrétions).
M.M : Quid de l’indépendance de la Justice dans ce cas ?
F.E : Quand la loi est violée de la sorte, c’est l’indépendance de la Justice même qui est foulée aux pieds de l’Exécutif, car n’oublions pas que le Min Jus fait partie de l’exécutif! Alors que lors des dernières assises de la Magistrature, l’Etat avait promis et signé la résolution qui en est issue, de ne plus s’immiscer dans les affaires judiciaires de quelque manière que ce soit! En agissant de la sorte, toutes les autorités qui ont participé à cet enlèvement (oui enlèvement, il n’y a pas d’autre qualification) du dossier ont délibérément violé la séparation des pouvoirs sans un Etat qui se veut État de Droit et Démocratique !
M.M : La présidence en tant qu’institution a-t-elle ce pouvoir de retirer un dossier d’une juridiction à l’autre ? Comment pouvez-vous qualifier cette ingérence ?
F.E : La réponse est NON, l’État central ne peut retirer un dossier d’une juridiction à une autre, ceci relève des affaires judiciaires comme je l’ai dit plus haut, seule la Cour Suprême peut le faire pour des motifs bien précis par le texte sus cité. Nous qualifions cette ingérence tout simplement d’ILLEGALE et de violation de l’indépendance de la Justice.
M. M : Dans ce cas, que prévoit le SMM ?
F.E : Le corps de la Magistrature tout entier, suit de près la continuation de cette affaire. Nous prévenons les hauts responsables que nous allons veiller à ce que la finalité de cette affaire de kidnapping aboutisse à l’arrestation de tous les coupables sans exception de fonction ni d’appartenance institutionnelle ou politique, car nous voyons plus loin qu’il y a peut-être des motivations non avouables qui ont amené à ces précipitations quitte à violer la loi et la Justice. Nous soutenons également que l’enquête est en cours, et le dossier tout entier reviendra entre les mains de la Justice, et nous n’accepterons aucune pression pour le traitement et la recherche des coupables.
recueillis par D.R