La dernière mission du Fonds Monétaire International (FMI) a constaté une évolution prometteuse de la mise en œuvre du programme économique du gouvernement soutenu par la FEC (Facilité élargie de crédit). Cela, grâce aux efforts louables réalisés par le Ministère en charge des Finances de l’Etat, d’après le représentant résident du FMI, Patrick Imam. D’après lui, l’Etat doit assurer la poursuite des réformes entreprises, dans le bon sens. Interview.
Midi Madagasikara (MM). Quels seront les impacts éventuels de cette évaluation du FEC prévue en mars prochain ? Pouvons-nous espérer des décaissements si les résultats sont satisfaisants ?
Patrick Imam (FMI). La visite de mars prochain devrait jumeler deux missions. La première mission étant de faire la revue de la mise en œuvre du programme économique du gouvernement que le Fonds soutient à travers la FEC. Tandis que la seconde se focalisera sur la tenue des consultations au titre de l’Article IV, qui stipule qu’une fois par an les staffs du FMI échangent de vues avec les autorités du pays sur sa santé économique sur le moyen-terme, et de discuter des problèmes d’ordre structurel auxquels il fait face, telle que la corruption par exemple
La revue de la performance du programme s’appuiera sur divers engagements de politique économique convenus avec les autorités nationales. Dans le cas de Madagascar, les engagements ont pris essentiellement les formes de critères de performance à la fois quantitatifs et structurels qu’il est important de remplir pour pouvoir achever les revues programmées. Si les critères quantitatifs se référent toujours à des variables macroéconomiques sur lesquelles le pays a une emprise, telles que certains agrégats monétaires, les réserves internationales, les soldes budgétaires ou l’emprunt extérieur, les repères structurels se rapportent, par contre, à des mesures de réformes, qui sont souvent non quantifiables, mais qui sont essentielles pour atteindre les objectifs du programme.
La mission du mois de mars passera en revue tous ces critères. Théoriquement, si des critères de réalisation quantitatifs ne sont pas observés, le Conseil du Fonds pourrait approuver une dérogation officielle et permettre ainsi à la revue de s’achever, pour autant qu’il soit convaincu que le programme sera correctement mis en œuvre, soit parce que l’écart en question est mineur ou temporaire ou parce que les autorités nationales ont pris ou prendront des mesures correctives. Quant aux repères structurels, leur non-observation n’exige pas de dérogations, mais ils sont évalués dans le cadre de la performance globale du programme. In fine, la décision finale sur les conclusions de la revue appartient au Conseil d’Administration du Fonds. Si ce dernier donne son feu vert, Madagascar pourrait espérer le deuxième décaissement d’environ 43 millions de dollars tel que prévu dans le calendrier. Sinon, le décaissement sera retardé jusqu’à ce que le Conseil soit convaincu que les actions correctrices nécessaires pour le bon déroulement du programme ont été bien apportées.
Cependant, il est important de souligner que pour conclure la première revue, il ne suffit pas d’avoir atteint tous les objectifs établis pour l’année passée, il faut aussi qu’il y ait l’assurance nécessaire que les réformes vont se poursuive dans le bon sens dans le futur et que le budget de l’année en cours reçoit le financement nécessaire. Jusqu’ici, nous avions pu noter que le programme économique soutenu par la FEC est en bonne voie. Mais pour garder le même cap et s’assurer que la première revue s’achève dans les délais initialement prévus, il faut maîtriser un important facteur de risque au programme qu’est le cas de la JIRAMA.
MM. La JIRAMA a évoqué une grande difficulté d’assurer la production suffisante en électricité pour cette année, sans les 750 milliards d’Ariary de subvention. Comme nous le savons, l’économie sera paralysée, sans énergie suffisante. Quelle est la position du FMI, suite à cette nouvelle donne ?
FMI. Au cours de la récente mission du mois de Janvier, nous avons effectivement appris que la JIRAMA a évoqué un besoin de transferts additionnels qui lui permettra de réduire les problèmes de délestage causés par les aléas climatiques dans plusieurs localités de Madagascar. Bien que nous sommes tout à fait d’accord que la sécheresse aura des effets sur la situation financière de la société, nous sommes surpris de la magnitude des besoins supplémentaires annoncés, qui constituent maintenant presque le triple de ce qui a été initialement prévu dans le budget de cette année comme transfert à la société.
Pour le moment, nous ne disposons pas assez d’éléments pour pouvoir nous positionner sur le sujet. Il faut attendre que plus d’informations soient disponibles pour pouvoir apprécier le niveau de la requête ainsi que les meilleures façons d’adresser la question et son absorption éventuelle par le budget. Néanmoins, il faut avouer que trouver de ressources supplémentaires pour satisfaire les besoins additionnels de la JIRAMA ne sera pas chose aisée vu que le financement du budget pour 2017 est déjà bouclé et que les marges de manœuvre sont faibles. Ce qui soulève d’importantes questions fondamentales sur la manière dont l’Etat va accommoder ce nouveau besoin. Le choix qui s’impose n’est donc pas si l’Etat va augmenter les transferts à la JIRAMA ou pas, mais plutôt si l’Etat est prêt à couper les dépenses dans le secteur de la santé et de l’éducation pour donner plus d’argent à la société. Comme les ressources de l’Etat sont de faits limités, les coupes de certaines dépenses s‘avèrent probablement inévitables. Ce qui risque de compromettre, une fois de plus, la mise en œuvre d’importants programmes qui sont cruciaux du point de vue de la réduction de la pauvreté et de l’amélioration des conditions de vie de la population.
Nul doute que la fourniture d’électricité correcte est cruciale pour la bonne marche de l’économie, mais il faut aussi voir comment solutionner le problème sans porter préjudices à d’autres secteurs tout aussi importants voire même plus, étant donné que l’électricité ne bénéficie jusque-là qu’à une frange limitée, bien qu’importante, de la population contrairement aux infrastructures ou bien aux services sociaux qui bénéficient à un plus grand nombre et notamment des pauvres. Même si nous comprenons que des facteurs exogènes telle que la sècheresse a pu aggraver les pertes financières accumulées par la société, nous sommes convaincus aussi que la mise en œuvre un peu plus tôt des réformes prévues, notamment celles destinées à instaurer la bonne gouvernance au sein de la société, aurait pu contribuer à amortir le choc exogène auquel elle doit faire face actuellement.
MM. Des réalisations ont-elles été faites depuis l’approbation du FEC ? Quels sont les défis majeurs que Madagascar doit encore relever ?
FMI. Sur la base des informations préliminaires qui nous ont été fournies au cours de la récente visite, et qui doivent être encore confirmées au cours de la mission du mois de Mars, la mise en œuvre du programme économique du gouvernement soutenu par la FEC semble être sur la bonne voie dans l’ensemble. Depuis l’approbation du programme l’année dernière, des progrès significatifs et vraiment encourageants ont été réalisés sur plusieurs fronts, pour ne citer que l’atteinte de tous les objectifs quantitatifs assignés au programme pour fin Décembre, ainsi que de certains repères structurels. Autre que les réalisations, il y a notamment la stabilité et la viabilité du cadre macroéconomique avec un taux de croissance en progression ainsi que d’un taux d’inflation qui est demeuré stable à un chiffre. Nous saluons également l’augmentation en continu des recettes fiscales de l’Etat ainsi que l’amélioration de la qualité de ses dépenses, avec plus de ressources pour les secteurs dits prioritaires dont les secteurs sociaux. Tout cela grâce aux efforts louables qu’ont fait preuve le Ministère en charge des Finances de l’Etat.
Je noterai également la maîtrise de la politique monétaire par la Banque Centrale, qui s’est traduite à la fois par une stabilité du taux de change mais aussi par une accumulation plus que prévue de réserves en devises. Ce qui renforce la capacité du pays à faire face aux différents chocs exogènes. Sur le plan structurel, malgré quelques retards sur la mise en œuvre de certaines mesures, les réformes semblent aller dans le bon sens. D’autant plus que les autorités ont déjà présentés des plans afin de rattraper les retards encourus.
Néanmoins, de nombreux défis restent encore à relever par les autorités dans le cadre de la mise en œuvre de son programme économique. Le plus important et le plus urgent étant le redressement de la société JIRAMA. Outre, ses effets perturbateurs sur l’économie et la population en générale, la société à travers les transferts qui lui sont faits par l’Etat accapare une part importante du budget de ce dernier. Des ressources qui auraient pu être utilisés à des fins beaucoup plus efficientes et plus porteurs pour la population plutôt que de soutenir une seule société dont les difficultés financières relèvent plus de problèmes de gouvernance plus que d’autres choses.
Un autre important défi à relever pour les autorités étant aussi de se conformer aux réformes déjà entreprises. Il s’agit notamment des efforts déjà consentis afin d’éliminer les subventions accordées aux distributeurs pétroliers à travers la mise en place d’une formulation de détermination automatique des prix à la pompe du carburant. La mise en place de ce mécanisme a déjà permis à l’Etat de faire des économies substantielles en terme de subventions et d’octroyer ainsi plus de ressources à des dépenses prioritaires. Le défi consiste pour le futur de rester dans la ligne de cette réforme même si le contexte international avec l’augmentation en continu du prix au niveau de l’international ne s’y prête pas et a déjà conduit les autorités à adopter des mesures pour geler l’augmentation des prix à la pompe comme récemment.
Enfin, des défis qui ne sont pas moins importants et qui sont cruciaux à la fois pour la mise en place de la bonne gouvernance au niveau du pays et la bonne gestion des deniers publics, c’est l’adoption et surtout la mise en œuvre de différentes lois, telles que la loi sur les recouvrements des avoirs, la loi sur la déclaration des patrimoines ou bien la loi portant création des pôles anti-corruption. Et finalement, l’opérationnalisation de la CDBF pour un meilleur contrôle et gestion des fonds publics.
MM. Une forte inflation est constatée à Madagascar. Comment le FMI trouve-t-il cette tendance qui pourrait conduire à une instabilité macroéconomique ?
FMI. Plusieurs facteurs temporaires s’abattent simultanément sur le pays, et qui peuvent expliquer la pression actuelle sur les prix. D’abord il y a l’augmentation des prix des produits pétroliers, qui a un impact sur les consommateurs. Ensuite, il y a l’augmentation de la consommation dans les régions productrices de vanille, qui grâce aux prix élevés de l’année passée, consomment plus que d’habitude actuellement. Finalement, il y a les conditions climatiques non propices dans certaines régions, auxquelles se sont ajoutés des comportements spéculatifs de certains commerçants, qui ont quelques peu perturbé les approvisionnements notamment de produits de première nécessité auprès de la population. Tout cela a conduit inévitablement à des tensions temporaires sur les niveaux de prix dans certaines régions. A notre connaissance, cependant, ces tensions semblent être avoir été plus ou moins désamorcées suite à des actions gouvernementales pour mieux contrôler le stock des commerçants de certains produits primaires.
Même si nous pensions que ces phénomènes sont en partie temporaires et isolés, les impacts éventuels sur la stabilité macroéconomique dépendront notamment de la nature des réponses que l’Etat apportera pour stabiliser les prix ainsi que du timing au cours duquel il les mettra en œuvre. Toujours-est-il que nous sommes confiants dans l’habilité des autorités, particulièrement de la Banque Centrale, à maîtriser ces tensions inflationnistes. La BFM dispose déjà de la capacité ainsi que des instruments nécessaires pour ce faire. Certes, certaines tensions se font sentir mais la situation devrait revenir dans la tendance normale, car pour le moment nous n’anticipons pas d’effets de second tour. Par contre, si de nouveaux éléments d’appréciation apparaissent, tels qu’un choc supplémentaire ou bien des impacts plus importants qu’anticipés de la sécheresse, nous reverrons nos prévisions sur les niveaux de prix en conséquence.
Recueillis par Antsa R.