
Si en Afrique de l’Est, les épidémies de fièvre de la Vallée du Rift sont plus étroitement liées aux facteurs climatiques, la situation malgache présente une certaine spécificité dans la mesure où cette maladie virale des ruminants à fort impact économique qui représente, par ailleurs, une menace sur la santé publique, suit plutôt les circuits empruntés par le bétail dans le cadre du commerce.
Madagascar a connu deux flambées épidémiques de fièvre de la Vallée du Rift en moins de 20 ans : en 1990-1991 et en 2008-2009. Des épidémies à l’origine de pertes importantes de bétail et de victimes humaines. La seconde flambée datant d’il y a un peu moins de dix ans, a fait en effet, état de 10 000 cas humains dont 26 décès confirmés. Ces épidémies ont comme facteur déclencheur, le commerce du bétail, révèlent deux publications parues dans PNAS (Proceeding of the National Academy of Sciences) et Scientific Reports. Des travaux de recherche menés par des chercheurs du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), de l’Institut Pasteur de Madagascar, et de l’Université d’Oxford, avec leurs partenaires des services vétérinaires et de santé publique malgaches, l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale), la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), permettront d’identifier les populations les plus vulnérables et d’améliorer les réseaux de surveillance humaine et animale.
Echanges commerciaux. Les constats des chercheurs font état d’une spécificité malgache par rapport aux autres régions voisines. En effet, le cas de l’Afrique de l’Est, cité dans les publications, fait mention d’épidémies de fièvre de la Vallée du Rift, davantage liées aux facteurs climatiques, le déclencheur étant les pluies intenses liées aux épisodes El Nino. A la différence de Madagascar où les activités de commerce du bétail constituent le principal facteur de déclenchement. Avant d’être parvenus à cette conclusion, les chercheurs ont adopté une approche spécifique. « Pour tenter d’expliquer ces flambées épidémiques, il était important d’avoir une approche originale de type One Health, croisant données environnementales, résultats d’enquêtes sérologiques humaines et animales, et données d’échanges commerciaux », précise Jean-Michel Héraud, chef de l’unité de virologie à l’Institut Pasteur de Madagascar. Les résultats ainsi obtenus révèlent qu’à Madagascar les épidémies sont liées aux activités humaines de commerce du bétail : les bêtes malades, transportées sur de longues distances, peuvent déclencher des épidémies très loin de leur lieu d’infection initial. Les recherches ont également permis de constater que le virus perd son pouvoir pathogène entre deux épidémies et une nouvelle épidémie ne survient que si un nouveau virus est réintroduit, notamment à cause des échanges commerciaux.
Ces travaux permettront sans doute de prendre des décisions plus éclairées afin de mieux s’armer contre la recrudescence des épidémies, et d’améliorer les mécanismes de surveillance.
Circulation du virus. « Parallèlement à ce travail, les chercheurs ont étudié les dynamiques de transmission du virus sur une vingtaine d’années. Ils ont analysé les échantillons sanguins de près de 3 000 zébus pour y trouver des traces d’anciennes infections et retracer la circulation du virus au cours des deux dernières décennies. Les résultats montrent notamment que dans les régions chaudes et humides du Nord-Ouest de Madagascar, le virus de la fièvre de la Vallée du Rift (VFVR) ne disparaîtrait pas entre deux épidémies, mais persisterait à bas bruit », souligne le CIRAD. Dans la mesure où les régions Nord-Ouest de Madagascar sont des régions pourvoyeuses de zébus pour les régions des Hautes Terres centrales, elles pourraient être à l’origine de nouvelles épidémies, les troupeaux des Hautes Terres ayant un taux d’immunité plus faible. C’est en tout cas ce qu’avance un autre chercheur dans le cadre de sa thèse. Cette autre piste suivie par les chercheurs mérite sans doute d’être considérée afin de mieux cerner les possibles risques de nouvelle flambée épidémique.
Hanitra R.