
Supernova du folk malgache, le groupe Ratalata, perdu de vue depuis plus de quinze ans, remonte en surface. Un album des plus attendus est en gestation, aux sonorités résolument folks et des textes toujours aussi « Ratalatiens ».
Du haut de leurs 32 titres et quelques autres nouveautés, le groupe Ratalata compte enfin sortir son premier album. Charles Aimé Nomenjanahary Rakotoarison, le parolier et fondateur, s’élance. « Nous avons tous cinquante ans et plus, alors on s’est dit qu’il fallait bouger un peu les choses. Par contre, nous tenons à ne pas nous positionner dans le commercial ».
Connu pour avoir le verbe parfois acide envers le système, Ratalata proposera un opus entre la prise de conscience et quelques effluves d’eau de rose. « Nous venons d’enregistrer des titres : Antsom-bahoaka, Seza et Kibo qui concernent les dirigeants et les dirigés », ajoute Charles Aimé Nomenjanahary Rakotoarison ou Ratalata. Une musique que les membres du groupe se refusent de qualifier de contestataire. « Nous faisons seulement des remarques », susurre Lila, le guitariste.
Ce disque annonce le retour d’un groupe qui a vécu les hauts et les bas de l’après 1ère République. Les messages sulfureux, Ratalata a déjà eu des petits soucis avec la bonne morale de l’époque. Il fut un temps où le folk band a été sous le feu de quelques mises au pas venant d’une administration « paternaliste ». Tant et si bien que leur nom est resté dans les mémoires des tananariviens.
Combinant un passé fulgurant de Robin des Bois du folk malgache et l’attente des fans qui se fait de plus en plus pressante, Ratalata va donc sortir de son silence. « Mais il faut préciser que nous sommes généralistes, on chante de tout », tient à rassurer Lila. La riche poésie de Ratalata lui donne raison. En traversant leur musicographie, on est frappé par des textes simples imprégnés de la diversité et de la forme musquée de la langue malgache. « Je suis un fan de Dox, entre autres », fait remarquer Charles Aimé Nomenjanahary Rakotoarison, le parolier.
Tananariviens purs jus. Le groupe représente cette génération ‘70 qui admirait les livres comme un gosse d’aujourd’hui admirerait une Playstation 4. Dès lors, chaque chanson reflète ce magnétisme des mots qui s’entrelacent et s’entrechoquent pour former des rimes limpides. Sans doute la raison pour laquelle les messages du groupe passent moins facilement chez les bons entendeurs.
Vers la fin des années ‘70, dans les couloirs d’un building d’Ambodin’Isotry, quelques gars du quartier pratiquaient à la fois la boxe, le « sôva » et les études. Après des journées bien remplies, la bande se retrouvait le soir pour chanter quelques morceaux à la guitare. « En fait, nous sommes des ‘Mpanajôbany’ au départ », rappelle Faralahandrahary Razafimanantsoa, chanteur et guitariste à ses heures.
Le « Mpanajôbany » est lié à la culture populaire tananarivienne. Ce terme argotique désigne les bandes des quartiers qui font la chorale improvisée lors des veillées mortuaires. « On pouvait chanter à Ambohipo, Andavamamba, dans tout Isotry… chez des gens que nous ne connaissions même pas », renchérit fièrement Lila.
Utilisant une technique infaillible pour trouver les meilleures adresses. « Dès qu’on remarquait une personne qui achetait beaucoup de pain, on la suivait », éclaire Charles Aimé Nomenjanahary Rakotoarison, avec un grand sérieux. Durant les longues veillées funèbres, la famille du défunt offrait souvent des tranches de pain et des boissons chaudes à l’assistance.
La bande était composée de génies du « Vakisôva » ou « sôva », un genre musical traditionnel pratiqué depuis la royauté, notamment lors des rassemblements familiaux. D’ailleurs, la chanson « Building Trano Avo », dans la pure tradition du « sôva », sera probablement présente dans l’opus. « On y raconte notre histoire… nos gueules de bois », explique Faralahandrahary Razafimanantsoa.
La vérité ou rien. Et il y a eu « Aiza Ny Marina ». Cette chanson a été enregistrée et diffusée pour la première fois sur la Radio Nationale grâce à Naina Rabearivony, dans l’émission « Ainga Sy Hery » en 1991. Le pays étant encore plongé dans une période chaotique, le titre de la chanson s’est retrouvé intégré dans une caricature. Cela a causé la frustration des dirigeants. Puis, un autre dénicheur de talent, Nicolas Ratsimandresy, a décidé de tourner le clip du titre sur la télé nationale.
« Fafah du groupe Mahaleo a eu vent de ce que nous entonnions dans notre building. Il nous a contacté et on a chanté avec lui », continue Faralahandrahary Razafimanantsoa. Le groupe Ratalata a même partagé la scène avec Mahaleo lors du « Volatantely », au début des années ’90.
Petit à petit, le silence s’est installé. Ratalata a préféré laissé la scène à des groupes en devenir. Ce nouvel album sera surement l’occasion de retrouver ce prestige. Le moins bavard de la bande, Molera, guitariste attitré, en sourit déjà.
Maminirina Rado