
Icône du football réunionnais, Tsimba Kely Razafitsialonina aborde aujourd’hui avec une lucidité déconcertante le quotidien des Barea. Logique car il a pratiquement vu grandir les Créoles, comme il les appelle, qui ont rejoint l’équipe nationale malgache. Une analyse qui repose sur son ancienneté, et donc ses expériences, à la Réunion où il est arrivé le 13 mai 1982 sans jamais quitter la ville de Saint-Denis avec le Club Sportif Saint-Dionysien puis l’AS Chaudron en 1998 avant de terminer, à 42 ans, au Saint-Denis Athletic Club en 2002. Celui qui a été appelé au Club M en 1987 lors du match contre le Kenya a acquis une solide réputation dans le monde du football, qu’il arrive aux dirigeants réunionnais de le consulter. Un sacré technicien qui a accepté de parler des Barea et des…Créoles.
Midi Madagasikara : Il y a de plus en plus de Réunionnais au sein des Barea. Selon vous, est-ce un bon investissement pour eux ?
Tsimba Razafitsialonina : « C’est évident car les Réunionnais ne participent pas à la Coupe d’Afrique des Nations et les Barea leur permettent de se faire connaître et d’améliorer leur C.V. sur fond de fierté nationale. Et quand on voit combien cela les rend fiers et qu’ils mouillent vraiment le maillot, on ne peut que s’en réjouir car c’est un avantage mutuel. »
Midi : Si c’est vraiment un avantage, peut-on expliquer les réticences de Ludovic Ajorque qui est le meilleur au poste d’attaquant ?
T.R. : « Ludovic Ajorque serait un gros atout pour les Barea. Il est très bon, voire plus technique qu’Olivier Giroud. Les statistiques des buteurs des championnats européens le mettent dans le top 10 avec des monstres comme Messi, Benzema, Cristiano Ronaldo, Mohamed Salah, Sadio Mané ou encore Lewandowsky. Ajorque est grand, combatif et a toutes les qualités d’un attaquant atypique. Vu sous cet angle, il peut intégrer du jour au lendemain l’équipe de France. Et je comprends bien que sa réticence vienne surtout de là car entre les Barea et les Bleus dans une carrière de footballeur, il n’y a pas photo. Choisir pour choisir, autant aller chez les champions du monde et on ne devrait pas trop lui en tenir rigueur comme le font malheureusement certains fans des Barea. Mais d’autres joueurs peuvent apporter un plus aux Barea pour renforcer la ligne offensive. Je parle de Gladison qui réalise de belles choses avec l’équipe de Sainte-Marie. »
Midi : Mais selon les techniciens malgaches, Gladison a du caractère et qu’il serait difficile à gérer ?
T.R. : « Cela dépend de l’approche des dirigeants. Des hommes comme Alfred Randriamanampisoa d’Elgeco Plus sont bien capables de le mettre dans le droit chemin. Gladison a d’ailleurs intérêt à espérer frapper à la porte des clubs européens. »

Midi : Parlons maintenant des atouts et faiblesses de cette équipe qui comporte de plus en plus de Réunionnais.
T.R. : « Parvenir à se hisser en quarts de finale de la Coupe d’Afrique est une bonne chose, et j’adhère entièrement à l’euphorie de tous les Malgaches mais je pense que ces Barea sont capables de mieux faire si on fait abstraction du copinage tant sur le terrain que parmi l’encadrement. La force du groupe réside dans la solidité de la défense avec nos Réunionnais dont je citerais en premier Jérémy Morel et ses expériences. Si on ajoute Romain Métanire qui a franchi un palier ou encore Mombris sur le flanc gauche, sans oublier Bapasy dans l’axe et Ibrahim Amada juste devant, on comprend pourquoi le football malgache est de mieux en mieux coté sur l’arène international. »
Propos recueillis par Clément RABARY