Le septième art malgache possède une de ses références historiques en la personne de Tsarafara Rakotoson, rendu célèbre grâce à son personnage de Rajao. Celui qui n’avait pas peur de faire son cinéma.

Rajao possède cette aura de goujat, bavard et capable d’aspirer tout le relief historique d’un film. Quelque part, ce personnage célèbre grâce à « Malok’ila », a apporté le premier archétype de vrai personnage, dans le monde cinématographique malgache. Entre le Louis de Funès et le Jim Carrey dans son jeu le plus explosif, on y retrouve également du Charlie Chaplin, Rajao a cependant réussi à construire une personnalité cinématique dès ses débuts.
Grâce à ses mimiques, son parler, ses pitreries et une histoire où le sérieux tente toujours de se rattraper dès qu’il entre dans le champ. Vers la fin des années 2000 jusqu’à la moitié des années 2010, le personnage a réussi à porter à lui tout seul la longue saga de « Malok’ila », atteignant les 13 « épisodes ». Même « Fast and Furious » peine à faire mieux. Il faut tout de même souligner que les autres productions nationales ont essayé de faire ressortir des « héros ». Mais l’anti-héros caractérisé par Rajao semble plaire plutôt aux malgaches. Tenant plusieurs années, surtout auprès des cinéphiles des quartiers populaires et des communes rurales.
Dans le petit cercle des personnages célèbres du septième art malgache, depuis son « boom » dans les années ’90, deux profils ont été beaucoup exploités. Le balaise des arts martiaux des années ’90, probablement hérité de la culture « vidéos en salle » et la pauvre jeune femme, un mélange de Cendrillon et de Cosette, triomphant de l’injustice avec ses airs de sainte-nitouche. Ensuite, viennent des personnages plus ou moins appréciés, le pieux, le zélé, le chanceux… Cependant, Rajao a réussi à les supplanter tous. Apportant ainsi, pour la première fois depuis des décennies, ce que les professionnels appellent la « magie » du cinéma.
Et si la direction du jeu du personnage est normalement affectée au réalisateur, il est difficile de le croire avec cette dynamite. Avec lui, l’histoire se déplace, le film le suit. Il se revigore en permanence. En comparant avec ce qui se fait de mieux, lors des festivals comme les Rencontres du film court (RFC), où la quête du tout cinématographique se calque sur une peur du septième art. Oubliant que le personnage reste l’aiguille de boussole de l’histoire. En considérant Rajao, il est difficile de chercher une comparaison esthétique, une référence psychologique. Tant les « Malok’ila » semblaient être tournés par des caméramans de paroisse. Où le caractère décousu des plans invalident tout espoir d’imprégnation artistique.
Dès que Rajao apparaît, toute cette appréhension s’efface. Rien que sa tête, ténébreux quand il prépare ses coups. Cette apostrophe faciale, démasquant tout son manque d’intellectualité. Son élocution en rafale, faisant baisser la garde du téléspectateur… C’est tout simplement du génie. Une construction, de l’art cinématographique pouvant faire école. Tsarafara Rakotoson, dans le civil, a été pourtant destiné à devenir un ingénieur au lieu de révéler le sacré « Rajao ». Dans un pays où le théâtre a été le seul pourvoyeur d’actorat acceptable, de nombreux acteurs se sont formés sur le tas. Créant ainsi une grande division chez les professionnels de ce milieu. Ils y avaient ceux qui voulaient accoucher d’un vrai cinéma, respectant les codes internationaux. Ils y avaient ceux qui voulaient s’améliorer tout en produisant, puisque la demande existait réellement et qu’il ne fallait pas traîner.
Rajao a émergé dans cette deuxième catégorie. Si le personnage a inspiré le dédain au tout début, chez les ouailles de la première catégorie. Il a fini par devenir un référent commun à ces deux univers. En ces temps difficiles, la saga « Malok’ila » possède plus de 14 volets. Les films joués par Tsarafara Rakotoson sont innombrables… Rien que pour le plaisir de critiquer, de se surprendre à rire, de vraiment oublier le temps, autant regarder les films avec ce brillantissime acteur.
Maminirina Rado