La décision rendue le 11 février dernier à Ambohidahy continue d’être au centre des débats politico-juridiques car le « ratio legis » avancé par le juge constitutionnel ne fait pas forcément l’unanimité.
Dans sa décision relative à la demande de contrôle de constitutionnalité du décret de nomination du PM, la HCC ne s’est pas cantonnée à l’article 54 de la Constitution malgache. Elle a cru se référer à l’article 63 de la loi fondamentale allemande pour avancer que « la majorité absolue est requise pour emporter la désignation du Premier ministre ». Une manière d’argumenter que même si on retranche les 17 d’entre eux qui se sont joints à la demande, « les 103 députés restants constituent une majorité absolue à l’Assemblée nationale ».
Elu. On est droit – au propre comme au figuré – de se demander si la HCC n’a pas comparé l’incomparable dans la mesure où l’article 63 (1) de la Constitution allemande dispose que « le Chancelier fédéral est élu sans débat par le Bundestag sur proposition du président fédéral ». C’est ce dernier qui propose le leader du parti qui a gagné les élections ou celui que la coalition majoritaire lui demande de proposer. Il n’est pas expressément précisé qu’il s’agit de majorité absolue. Le paragraphe 2 du même article ajoute effectivement qu’ « est élu celui qui réunit sur son nom les voix de la majorité des membres du Bundestag. L’élu doit être nommé par le président fédéral ».
Coulisse. Dans la Constitution de la Quatrième République malgache, le PM n’est pas élu par l’Assemblée nationale. Sa présentation ne se fait même pas dans le cadre institutionnel de l’Hémicycle mais à travers des négociations de coulisse pour ne pas dire de couloir auprès des députés. Lesquels ne peuvent pas non plus être comparés à leurs homologues du Bundestag où l’on ne verra jamais des élus du SPD retourner leur veste pour devenir CDU ou vice-versa. C’est d’ailleurs une des raisons de la stabilité politique en Allemagne. « Le groupe des 120 députés ayant présenté le Premier ministre répond à ce critère de stabilité politique, conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution », selon la HCC qui invoque « la pratique communément admise dans le fonctionnement des régimes constitutionnels ».
Compétences liées. Ce qui consiste de la part de la HCC à faire encore une fois le parallèle avec une autre …ligne constitutionnelle car en Allemagne, les attributions du Président fédéral sont celles d’un chef d’Etat parlementaire classique. Ses compétences sont liées, c’est-à-dire qu’il ne dispose pas du pouvoir de les exercer librement. Ce qui n’est pas le cas chez nous où ce sont plutôt les députés qui se lient et se rallient au numéro Un de l’Exécutif dont les pouvoirs ne sont point symboliques. Il inaugure moins les chrysanthèmes que les « zava-bita » surtout ceux qui entrent dans le cadre des fameux « projets présidentiels ».
Coutume constitutionnelle. De toute façon, à « la pratique communément admise dans le fonctionnement des régimes constitutionnels » avancée par la HCC, il y a le système – non écrit ni formel – régi par la coutume constitutionnelle. A cet égard, on peut aussi citer l’exemple de la Grande Bretagne où David Cameron est devenu Premier ministre même si son parti n’a pas obtenu la majorité absolue aux élections. Il a été nommé au 10 Downing Street par la Reine Elizabeth. La comparaison s’arrête là car il n’y a plus de Roi à Madagascar même si d’aucuns trouvent, à tort ou à raison, des similitudes avec le système monarchique dans la pratique constitutionnelle. Et ce, sans faire nécessairement du droit comparé comme la HCC qui est allée chercher à Berlin la constitutionnalité de la nomination du locataire du Palais de Mahazoarivo.
R. O
