
La jurisprudence de la Haute Cour Constitutionnelle n’est pas constante en matière de procédure de destitution, mais semble se faire à la tête du client.
Dans son Arrêt du 10 mars 2020 concernant la destitution de Thierry Rakotonarivo, le juge constitutionnel ou électoral (c’est selon) a déclaré « recevable » la saisine du président de la CENI mais a invité ce dernier à revoir sa copie. Ambohidahy de souligner que « la saisine de la HCC doit être précédée par la mise en œuvre de l’ensemble de la procédure prévue par le règlement intérieur ». Et de citer notamment l’article 89 qui prévoit que « le membre mis en cause dispose d’un délai de dix jours après notification du dossier de poursuite et des conclusions de la commission ad hoc pour préparer sa défense (…) ».
Rejetée. On est en droit – au propre comme au figuré – de demander quand est-ce que la HCC invite le requérant à faire ceci ou cela au préalable, et dans quel cas elle rejette sur le champ la requête pour vice de procédure. En effet, dans l’Arrêt en date du 06 mai 2019 relatif à la demande de destitution du sénateur Mananjara Randriambololona, la HCC a déclaré « régulière et recevable » la saisine du président du Sénat avant d’ajouter que « la demande insuffisamment fondée tendant au prononcé de la déchéance du sénateur Mananjara Randriambololona est rejetée ». Il lui était reproché d’avoir violé la ligne de conduite établie par son parti politique, en l’occurrence, le HVM au nom duquel, il a été élu au titre de la province d’Antananarivo.
Rappels à l’ordre. Dans son mémoire en défense, Mananjara Randriambololona a fait valoir qu’il a démissionné du parti HVM le 18 avril 2019, tout en précisant qu’il n’a pas adhéré à un autre groupe politique. Histoire de contourner les dispositions de l’article 72 alinéa 1 et 2 de la Constitution – applicables par analogie au Sénat – qui prévoient que « durant son mandat, le député ne peut sous peine de déchéance, changer de groupe politique pour adhérer à un nouveau groupe, autre que celui au nom duquel il s’est fait élire ». La HCC de se référer au règlement intérieur de la Chambre haute pour considérer que « l’existence et le caractère nominatif des deux rappels à l’ordre devant être adressés au sénateur désobéissant par le président de son parti d’appartenance ne sont pas prouvés ». Rejetant du …coup, la requête de Rivo Rakotovao à qui il n’a pas été demandé de revoir sa copie comme c’était par la suite, le cas pour le président de la CENI.
« Mpamadika palitao ». De toute façon, force est de constater l’existence d’une procédure de destitution à deux vitesses, d’un deux poids, deux mesures dans la balance de la HCC puisque dans son Arrêt rendu le 14 mai 2019 concernant une demande de déchéance d’un autre sénateur qui avait également démissionné de son parti au nom duquel il a été élu. « Par sa démission du parti TIM et sa candidature aux élections législatives sous les couleurs d’un autre parti politique, le sénateur Jeannot Fernand a enfreint les dispositions de l’article 72 alinéa 1er de la Constitution ». Et de prononcer ainsi sa déchéance pour le remplacer par son suppléant. En l’espace de dix mois, le juge constitutionnel a opéré un revirement de jurisprudence. A l’image des parlementaires « mpamadika palitao », quand bien même les membres de la HCC n’auraient pas encore changé la couleur de leurs robes quitte pour les justiciables à voir… rouge.
R. O