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vendredi, mai 16, 2025
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Histoire : Gallieni et les autres, aux prémices de la colonisation

Rainibetsimisaraka, le dandy élégant et homme d’armes.

Rabezavana « frère de sang de Rabozaka », Rainitavy, Rainibetsimisaraka, Rainandriamampandry, Ratsimamanga, Ramenamaso, Rafanenitra, Zamaria, Ramahafinaritra… la lutte contre la colonisation française vers la fin du XIXe siècle avait ses symboles. Ces hommes et ces femmes ont payé parfois de leur vie la défense de leurs terres et de la liberté, grâce aux inspirations civilisatrices de Gallieni.  

La seule image « existante » de Rabezavana est celui d’un homme dur. Coiffé comme un notable et accoutré d’un ensemble tiré à quatre épingles, chemise, veste, gilet et pantalon. Les chaussures cirées. La moustache fournie et symétrique. La posture de celui qui a mené la vie dure à l’administration coloniale, entre 1895 et 1898 selon les spécialistes, laisse penser à un personnage fier, sévère et surtout malicieux. Cela se retrouve surtout dans ce regard perçant et inquisiteur. En somme, il avait cet aura commun des chefs de guerre de ce monde, tels les Sitting Bull ou les Mac Arthur.

Le général Gallieni, colon et raciste de classe mondiale devant l’Eternel, lui a consacré plus de 20 pages dans son « Rapport d’ensemble sur la pacification, l’organisation et la colonisation de Madagascar ». C’est que l’énergumène n’était pas un « va-t’en guerre » brouillon comme on l’a souvent caricaturé. Il était un fin stratège, connaissant l’art du harcèlement, de la diversion comme personne et un politicien habile. Du côté de ses alliés, « Rabezavana » était adulé, craint mais surtout respecté. A côté de lui se trouvait Rainandriamampandry, ministre de l’Intérieur, sorte d’agent double auprès des combattants pour la liberté du pays. Ses alliés le surnommaient « Ratiatanindrazana ».

Rabezavana, l’autorité du chef de guerre personnifiée.

Dans ce recueil de plus de 630 pages, le colon Gallieni vouait une haine viscérale pour les « Hovas » et aux autres ennemis pourfendeurs de « sa France ». La manière dont il décrit, avec ses propos de goujat qui s’invite hors de ses terres, le prince Ratsimamanga en dit assez. « Borné, rapace, tout imbu des traditions féodales de la haute caste à laquelle il appartenait, Ratsimamanga s’était retrouvé incapable de comprendre et d’accepter le changement que notre victoire apportait à l’ancien état des choses ». Ou encore, l’exécution de Rainandriamampandry, un 12 octobre, pour montrer l’exemple. Sans oublier, l’exil forcé de la Princesse Ramasindrazana, qu’il décrit comme « distinguée par sa haine pour les français ».

Par ailleurs, avec Rabezavana, le haut gradé de l’armée coloniale française en avait une certaine estime, tout en étant imbus de la mission civilisatrice de sa chère patrie. Après la reddition et l’emprisonnement des chefs de guerre les plus puissants, dont Rabezavana, il a eu ces propos. « Rabezavana, l’assassin de Garnier et de ses compagnons ; Rainibetsimisaraka, qui avait fait massacrer Duret de Brie, Granet et les autres ; Rabozaka, le meurtrier du père Berthieu… furent solennellement graciés par moi et simplement éloignés pour quelques temps à la Réunion ». Le fonctionnaire militaire voulait ainsi prouver la bienveillance et la hauteur de la morale française. Il semble oublier que ses commandants n’ont pas hésité à laisser en pâture aux chiens, devant leurs familles éplorées, les cadavres des malgaches exécutés pour un simple regard de travers.

Le général Gallieni, le colon en chef de l’administration française.

La relation entre les hommes de terrains comme Rainitavy, descendant du groupe humain Sakalava, Rabozaka et les hommes de bureaux comme Rainandriamampandry ou Ratsimamanga a entre autres, constitué le rouage de la révolte. Si les derniers manipulaient les corps expéditionnaires malgaches, leurs initiatives laissaient aux premiers, le temps de s’organiser ou tout simplement de quitter les lieux. Rainandriamampandry « essayait de dissimuler aux autorités françaises le véritable caractère de l’insurrection, en présentant les troubles comme de simples vols armés ». Il cachait également des documents de correspondance venant des chefs de guerre à l’administration française. Ses agissements avec son comparse Ratsimamanga ont été mis à jour par le général, ils sont passés à la trappe.

La résistance de Rainitavy considéré comme un « mi-Hova, mi-Sakalava » est aussi à souligner. Il a fallu plus de deux régiments pour que les français puissent avoir raison de lui. Celui qui tenait Ambato- Boeny et ses environs hors des velléités coloniales a abdiqué. Cette partie occidentale de Madagascar avait une particularité économique pour ses exploitations aurifères. « L’exploitation de l’or devant être réservée aux Européens, dont un certain nombre insistaient auprès du résident général pour avoir l’autorisation de s’installer dans le Betsiriry, il fallait occuper cette région et préserver efficacement des incursions des Sakalaves », admet le général Gallieni.

Croquis arraché de l’exécution du Prince Ratsimamanga.

Dans son rapport, Gallieni n’a jamais omis la possibilité que ses « ennemis » pouvaient ressentir le sentiment d’appartenance, l’attachement identitaire et les valeurs de liberté que revêtait la revendication de ces hommes, comme Ratsimamanga, Rainibetsimisaraka ou encore Ramasindrazana. Les affublant par des qualificatifs primitifs, ces « indigènes » comme il les considère avaient sans doute la même légitimité, que les forces de la Résistance, quand les nazis ont foulé Paris et Vichy lors de la deuxième Guerre Mondiale.

Maminirina Rado

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