Effectivement, le mois de mai constitue un repère majeur dans l’histoire de Madagascar.
Emprunté à la langue de Shakespeare, le mot may se dit de la même façon en malgache. Son autre signification, qui désigne quelque chose de « brûlé », est partagée dans presque tous les dialectes du pays. Et ce n’est sans doute pas un hasard : le mois de mai s’avère souvent bouillonnant, à en croire la frise chronologique des événements historiques.
Outre le 1er mai 1959, date à laquelle Philibert Tsiranana fut élu président par les grands électeurs — conseillers provinciaux, parlementaires et délégués des communes — ce mois a marqué le XXᵉ siècle par une succession d’agitations, de décisions hâtives et d’arrestations. Ces péripéties ont fissuré les bases idéologiques et politiques imposées par les prétendus dominateurs.
Dès les années 1920, la lutte anticoloniale est menée par des personnalités engagées, telles que Jean Ralaimongo et ses compagnons. À leurs débuts, ils créent des journaux pour dénoncer les abus perpétrés par les colons ainsi que le Code de l’indigénat.
Le 29 mai 1929, des militants proches de l’idéologie communiste manifestent contre l’inégalité, réclamant la citoyenneté française pour tous les Malgaches. Cette revendication est malheureusement vite étouffée par les colons. Les leaders sont arrêtés, y compris Jean Ralaimongo, bien qu’il ait été absent.
Du 5 au 7 mai 1942, l’opération Ironclad, qui se déroule dans la baie de Courrier à Diego-Suarez, démontre que Madagascar est une scène miniature de la Seconde Guerre mondiale. Les Britanniques envahissent la Grande Île, craignant que les forces de l’Axe (Japon-Allemagne) ne prennent le contrôle du sud-ouest de l’océan Indien. Après plus de deux ans et cinq mois d’occupation, les Vichystes de Madagascar capitulent le 8 novembre 1942 et signent l’armistice à Ambalavao, qui devient la capitale du régime de Vichy à Madagascar.
Le 1er mai 1950, à l’occasion de la fête du travail, sous l’impulsion des syndicats affiliés à la CGT et des communistes de Diego-Suarez, les dockers manifestent en brandissant des banderoles pour revendiquer de meilleures conditions de travail. Le mouvement prend de l’ampleur, et entre 1950 et 1953, la ville du Pain de Sucre devient une source d’inspiration pour les nationalistes d’autres régions. Comme à son habitude, le pouvoir colonial réprime violemment ceux qui s’opposent à l’ordre établi.
Du 2 au 4 mai 1958, se tient le congrès de Tamatave, destiné à déterminer l’avenir du pays à l’approche de l’indépendance. Plus d’une dizaine d’associations et partis politiques y participent pour tracer une perspective commune. Cette rencontre n’était qu’une esquisse du destin de la patrie chérie.
Le 13 mai 1972, une date bien connue du peuple malgache, marque un tournant historique. Gravée dans les manuels scolaires, elle correspond à la chute de la Première République et de son président, considéré comme le « père de l’indépendance ». La grève étudiante, réprimée dans le sang devant l’Hôtel de Ville d’Antananarivo, reste ancrée dans la mémoire collective. Bien que certains témoins de l’époque affirment que d’autres provinces étaient hostiles à la malgachisation alors prônée, le récit dominant va dans un seul sens.
Évidemment, ces épisodes ne sont qu’un aperçu parmi tant d’autres. Ils témoignent de la volonté farouche des anciens de se libérer non seulement de la colonisation, mais aussi du néocolonialisme. Ces aïeux ont tout donné pour que leurs descendants puissent vivre libres.
Iss Heridiny