
Si les professionnels du médicament reconnaissent la nécessité d’un système de traçabilité des médicaments pour lutter contre le marché illicite et la contrefaçon, ils restent prudents, concernant sa mise en œuvre qui mérite d’être fortement encadrée.
Le partenariat récemment scellé entre le ministère de la Santé et le groupe Hologram Industries, acheminera Madagascar vers la mise en place d’un système de traçabilité des médicaments notamment par l’utilisation de l’hologramme. Celui-ci, à apposer sur chaque boîte de médicament livré aux grossistes, permettra d’identifier par le biais d’un code couleur, le circuit emprunté par le médicament, qu’il s’agisse du canal de distribution du secteur public, de celui du secteur privé ou celui des dons. Les pharmaciens, tout en reconnaissant l’utilité d’un tel système de traçabilité, ne cachent pas leur inquiétude quant à sa mise en œuvre. Les appréhensions concernent particulièrement le coût et les aspects techniques relatifs à de ce système. « Cette mise en œuvre impliquera inévitablement des investissements de la part des professionnels du médicament, notamment les grossistes. Notre plus grande préoccupation, c’est d’éviter que le consommateur n’ait à supporter le coût de ces innovations », déclare Tantely Rakotomalala, président de l’Ordre des Pharmaciens de Madagascar. Et d’ajouter que la méthode de mise en œuvre de ce système de traçabilité n’a pas encore été clairement identifiée.
Tripler ! Le coût d’un hologramme se situerait entre 20 et 40 centimes de dollars (soit entre environ Ar 600 et Ar 800), ce qui ne manquera pas d’augmenter le prix du médicament. « Tout simplement impossible », s’inquiète un importateur de médicament, en prenant l’exemple d’une simple plaquette de paracétamol vendue actuellement à Ar 200 et dont le prix risque de tripler, une fois le coût de l’hologramme pris en compte. A y voir de plus près, à moins de bénéficier d’une subvention, ou une initiative de l’Etat de financer entièrement la mise en œuvre de système, il est difficile de ne pas envisager une répercussion du coût supplémentaire engendré par l’utilisation de l’hologramme, sur le prix des médicaments vendus aux consommateurs. De quoi susciter une grande inquiétude chez ces derniers, à l’heure où les prix des médicaments sont déjà hors de portée pour la majorité de la population malgache.
Au même titre que le facteur coût, les détails techniques de la mise en œuvre du système de traçabilité, méritent également, selon les pharmaciens, l’adoption d’une démarche concertée entre les acteurs concernés. « L’efficacité de la lutte pourrait être remise en cause, si le système ne prend pas le mal à la racine dans la mesure où le fléau est mondial. Des laboratoires se créent uniquement dans l’objectif de fabriquer de faux médicaments. La lutte commence dès ce stade », affirme, pour sa part, la présidente du syndicat des pharmaciens, Bakoly Rabia. Sur un plan plus local, à propos de l’hologramme, celui-ci pourrait également présenter des défaillances si le processus n’est pas fortement encadré. Mention faite sur l’emplacement de l’hologramme sur le médicament. « L’hologramme pourrait se révéler inutile s’il n’est pas apposé sur l’élément de conditionnement du médicament », ajoute-t-elle. Et d’expliquer que « si ce dispositif est placé sur l’emballage extérieur et qu’il s’agit d’une boîte facile à ouvrir, les contrefacteurs ou les vendeurs illicites pourront facilement en changer le contenu ».
Néanmoins, la lutte contre le marché illicite de médicaments a connu depuis peu une avancée, après rattachement à la primature depuis avril 2015, du comité interministériel de lutte contre la contrefaçon et le marché illicite des médicaments. Ceci facilitera davantage la coordination des actions, notamment les opérations de saisie de médicaments contrefaits et de démantèlement de réseaux de vendeurs illicites.
Hanitra R.