Serge, mon ami, mon frère d’idées, mon presque fils,
Je commence par là pour me souvenir que, la toute première fois où je t’ai rencontré, tu n’avais pas 30 ans, tu m’as parlé de ton père disparu, des épisodes difficiles de 2001 où tu t’es enfui dans les bois, et je t’ai senti à la fois orphelin de toutes tes familles et volontaire pour défendre ton pays qui était ta plus grande famille. La différence faisait que j’avais l’âge d’être ton père, que j’étais un Français nouvellement arrivé à Madagascar, alors que tu étais viscéralement Malgache, tu avais déjà prouvé ton dynamisme et ton talent dans l’événementiel, mais tu m’as rejoint à la Star sur le projet que j’initiais pour développer un vrai professionnalisme en acquérant ce que je pouvais t’apporter de compétence et de rigueur. Et nous avons travaillé ensemble pour le plus grand bien de l’entreprise.
Une première déception, tu viens m’annoncer que tu démissionnes pour entamer une formation complémentaire en France ; j’argumente que la meilleure formation, tu l’acquerras sur le terrain et dans la pratique, j’échouerai cette fois-là à te convaincre et te laisserai partir à regret avec une bonne recommandation.
Surprise ! A une conférence donnée à l’ISCAM, je me retrouve à la tribune à côté de ta jeune sœur Hasina qui doit intervenir comme moi. Je trouve excellente son intervention et je lui demanderai ses coordonnées pour la rencontrer, ce qui aboutira à son recrutement à la Star quelques semaines après. Descendant de l’estrade pour discuter avec les étudiants pendant le verre de l’amitié, je te trouve là parmi des amis : « Que fais-tu là ? Je te croyais en France – J’ai renoncé – Tu as quelque chose ? – Non – Alors reviens avec moi à la Star, je viens de rencontrer ta sœur, elle est super, je veux l’embaucher, on travaillera ensemble, on fera des choses formidables ! ». Et cela s’est fait, vous m’avez rejoint tous les deux et, ce qui en dit long sur ta personnalité, tu as accepté de reporter à ta plus jeune sœur prouvant réellement ta foi dans la jeunesse de Madagascar, l’essentiel étant ce qu’on accomplit et non le statut dont on se pare. On a fait des choses formidables, on a inventé le THB Tour, tu as gagné plein d’artistes à animer nos fêtes, tu as réussi à mettre en place dans l’événementiel des méthodes et des qualités qui feront de toi un réel entrepreneur, mais nous y reviendrons.
Je reconnaissais ton entregent ; je souhaitais mieux comprendre les courants qui pouvaient animer le redressement de Madagascar, chez les intellectuels, les politiques, les media. Je t’ai demandé de m’aider à rencontrer ceux qui comptaient et tu m’as organisé des rencontres passionnantes, certaines très discrètes, ce pourquoi je ne divulguerai aucun nom par respect pour ces personnalités et pour ta mémoire. De cela, qui m’a fait mieux appréhender la culture de la Grande Ile, je ne saurai jamais assez te remercier.
Entrepreneur, je le pressentais en toi ; ta capacité à réaliser un projet en agrégeant toutes les parties prenantes dans une même dynamique était patente. J’ai décidé de te mettre le pied à l’étrier, j’ai racheté sur mes propres deniers une agence de publicité et d’événementiel et je t’ai confié Live One. Plus tard, Andry s’agrègera au projet, lui qui avait déjà fait une prodigieuse réussite dans l’affichage publicitaire. Tu as fait là tes armes d’entrepreneur avec brio. Pour la toute petite histoire, des basses manœuvres feront que ceci participera à mon départ de Madagascar, mais je garde une immense fierté de t’avoir laissé, ainsi qu’à Vanina, ton épouse que tu as associée, ce qui est devenu la base de ton succès d’entrepreneur avec Seven après ton expérience très réussie au Ministère des sports et des Loisirs.
Car tes qualités t’ont permis de réussir aussi en politique : je ne parle pas ici de la carrière politicienne qui permet d’accéder au pouvoir sur les gens et les choses, je parle de la contribution à la vie de la cité au sens de la démocratie grecque. Ton action à la CUA a été déterminante tout comme celle à la tête de ton Ministère. Tu as su rassembler les bonnes volontés, la créativité et le dynamisme des jeunes cadres malgaches et les résultats ont été au rendez-vous, ici comme là. De loin, tu m’as sollicité sur le projet du Grand Tana, juste retour des choses, j’ai travaillé pour toi en collaboration avec notre cher Rajo, nous avons correspondu, nous nous sommes rencontrés, à Antananarivo, à Paris, … Nous avons eu encore de nombreux projets et actions communes, mais nous les garderons confidentielles : j’y ai toujours retrouvé le plaisir de te revoir avec ton enthousiasme intact quelles que soient les circonstances.
Au jour où tes proches te pleurent et t’accompagnent vers ta dernière demeure, j’ai voulu témoigner des moments exceptionnels de ta vie que j’ai pu encourager, accompagner et partager. Puisse la jeunesse malgache, qui a un potentiel incroyable, s’inspirer de ton exemple et accomplir d’encore plus grandes choses pour le bonheur de ce peuple et la réussite de ce merveilleux pays qu’est Madagascar, ton pays dont tu restes l’insigne citoyen.
Thierry Bouteil
PDGA de la Star 2003-2009