
Jaojoby Eusèbe, Tence Mena et les jeunes de Weaver Trio, voilà l’affiche de deux jours à l’IFM Analakely vendredi et samedi. Tout simplement épique, et bonjour de nouveaux spectacles et concerts.
Tout d’abord, il y avait cette sensation bizarre du spectateur retrouvant, de nouveau, une vraie scène à l’IFM Analakely, samedi après-midi. Décidément, l’oreille devait rapidement retrouver ses habitudes pour pouvoir profiter de ce concert de Jaojoby Eusèbe, Tence Mena et Weaver Trio (Henintsoa Andriamasimanana, Njaka Rakotonirainy et Josia Rakotondravohitra). Après que l’organisation ait fait s’asseoir toute l’assistance à l’intérieur ; dehors, il a fallu refuser plus d’une trentaine de spectateurs et spectatrices à la porte, faute de place. Voilà que Hents, à la basse, déclenche une rythmique ternaire. Ensuite, Njaka au piano à queue suit dans une variante aux premières évolutions jazz. Josia, le batteur est déjà dans une frappe dure, il s’est complètement relâché durant l’intégralité du spectacle.
D’entrée, Weaver Trio emmène la salle face à une sorte de triptyque imbriqué, allant du rythme terroir, au hard bop, au jazz/rock/soul… Des vases communicantes, suffisantes pour établir le contact avec la « fosse ». Le combo avait la difficile tâche de catapulter sur scène Jaojoby Eusèbe, un brin taquin avec ses perpétuels « Aoe » accompagnant son salut de moine tibétain. Et Tence Mena, magnifique grande diva en devenir. Quoique le premier concert de vendredi soir, l’avait quelque peu marqué. Puisqu’il y en avait déjà un, même lieu et même composition, toujours à guichet fermé. Elle est alors toute excusée.

Énergie et énergie. Dans l’ensemble, les deux récitals avaient les atouts pour être les meilleurs de juin. Les spectateurs et spectatrices langui(e)s de ces mois de disette de « live » n’en demandaient pas plus. Du coup, assister à la deuxième représentation de samedi était le moment de la confirmation, si ce genre de projet musical peut être une piste à débroussailler. Jaojoby Eusèbe est connu pour son penchant au jazz, soul et compagnie. Le « king » frôlait parfois la transe quand Njaka, le pianiste, traçait une ligne musicale décapante sur « Maniny ny aminay ». Sa science de la scène et du chant emplissait les quelques cases vides laissées par Weaver Trio et Tence Mena.
La chanteuse de « Sitrany solo » dont la mise en scène lors de son interprétation à l’IFM a été intense. Elle s’accoude langoureusement sur le piano de Njaka, celui-ci entame un « riff » sur son synthé, ensuite triture son piano. La salle est déjà prête. Une coulée de lumière la distingue. Les premières strophes s’égrènent. Hents et Josia suivent, le mouvement s’intensifie. La texture sans guitare à six cordes tient en équilibre. Le public entonne « Sitrany solo ai/solo ai ». Quelque part, il ressentait ces infimes coups de fatigue de la future diva, peinant par infimes moments à dominer son micro. Surtout durant la première moitié du concert.
Weaver Trio s’affirmait aussi dans l’expérimental, le climax vient de Tence Mena sur des incantations venues de l’autre bout des octaves aiguës. Tandis qu’une ambiance bionique survoltée, diffusée au synthé, accompagne ce chant vers des étendues insoupçonnées. Le temps d’un set, l’oasis s’est muée en océan. Là, on peut dire que le projet possède cette étincelle alliant dynamisme, orfèvrerie et expérience. Un petit oubli, personne ne serait plus étonné de savoir que toute la salle s’est levée et a dansé vers la fin du spectacle. C’est simple. Il faut réitérer et « re-réitérer » Tence Mena, Weaver Trio et le « king » Jaojoby Eusèbe avant le mois de mars 2022. Au risque d’un éventuel resserrement du confinement et l’arrêt des spectacles.
Maminirina Rado