Guy Pradel avec son presque quart de siècle à Madagascar se lâche sur la religion, la foi et ses représentations, difficile à cerner cependant, dans « Sacramental » à l’Ifm Analakely. A partir de tableaux et de sculptures, il brasse un monde de sagesse et parfois de folie, sa toile le « Christ sur cric » en est une. Celle-ci se dévoile tôt, elle accueille dès l’entrée de l’installation.
A travers ces œuvres, le visiteur ressentira que dans le fond, Dieu est une construction nécessaire de l’humain universel face à cet inconnu derrière l’horizon. Le diable se trouve aux vestiaires chez l’artiste. Avec lui, le côté pompeux de l’exercice religieux disparaît au profit de l’introspection. Ebéniste à la base, suivre la tangente de l’art contemporain est peu anodin.
« Sacramental » pourrait donc heurter les sensibilités, en s’attaquant à l’intime, pourtant aux finalités collectives. Pour lui, le rapport établi du sacré et de l’art est prépondérant. Dès lors, l’exposition se dispose sur les murs et au milieu de la salle. Le visiteur est comme un vagabond curieux de retrouver sculptures funéraires, revisitées dans la symbolique chrétienne.
Ici la tête d’une femme, sculpture traditionnelle Sakalava ou Mahafaly probablement, est posée sur un buste travaillé, orné d’images bibliques. La sculpture s’appelle « La sainte ». A croire si ce culte magnifié par la colonisation et son soi-disant projet civilisationnel ne soit déjà ancrée dans les tripes de la gente féminine locale.
Comme quoi, il est possible de garder l’apparence extérieure de la tradition, folklore « burlesque » et « impie » comme une autre, mais être en phase avec Jésus et sa bande. D’un coup, se révèle une annexion christique d’une grande partie de l’exposition. L’intelligence de Guy Pradel a été de ne pas relativiser les croyances.
Pour lui, Dieu pourrait être « celui ou celle ». Cela n’est pas si évident dans son approche. Que ce soit sur le tableau, « La construction », avec un Christ mourant cloué sur, et plutôt soutenue par une croix rappelant d’anciens motifs architecturaux d’Europe, à part sa main droite et son visage, son corps est fait de multiples visages humains.
« La construction » en est l’intitulé. Une note explicative, un dogme propre à l’artiste, rappelle que
« la foi, quelle qu’elle soit, se nourrit de ses croyants ». D’où peut-être les églises et la dîme. Ou sur « Le suaire », un autre tableau rappelant le célèbre tissu aux traces du visage de Jésus, ce dernier est toujours aussi…mâle qu’un vigoureux taureau.
L’artiste semble y voir un fétiche, avec ses ornements de traces de rouge à lèvres à travers le linge. Le maillage des styles frappe cependant dans cette installation. Elle se tient à l’Ifm jusqu’au 25 février.
Maminirina Rado