
Emmanuel Macron ferme la porte à une restitution des Îles Éparses, mais prône une gestion conjointe « en bonne intelligence ».
En visite à Andralanitra chez Akamasoa, haut lieu symbolique de la solidarité franco-malgache, le président français Emmanuel Macron a tranché sur un dossier vieux de plusieurs décennies : il n’y aura pas de restitution des Îles Éparses à Madagascar. Du moins, pas sous sa présidence. Face à la presse, le chef de l’État français a répondu sans détour à la demande réitérée de souveraineté émise par la partie malgache : « Certains Malgaches demandent la souveraineté sur ces îles, d’autres non. Il y a des désaccords », a-t-il déclaré, évitant ainsi d’aborder la question d’un front commun malgache sur le sujet. Une manière de relativiser les revendications nationales et d’affirmer subtilement l’absence d’un consensus qui justifierait une révision du statu quo.
Plutôt que de parler de restitution, Emmanuel Macron met en avant une nouvelle approche, à peine voilée. Il s’agit d’une cogestion. Il a rappelé la création d’une Commission mixte franco-malgache sur les Îles Éparses, saluée comme « inédite » par le président français. Cette structure, fruit d’un compromis diplomatique, serait le cadre de discussions futures, à commencer par une réunion prévue à Paris le 30 juin prochain. « Nous allons nous concerter pour prendre les grandes décisions qui touchent les Îles Eparses » a souligné Emmanuel Macron. « On gère ensemble ces îles en bonne intelligence », a-t-il insisté, soulignant que la coopération, plutôt que la confrontation, devrait primer. Cette formule traduit une volonté d’apaisement, mais reste ambivalente : cogérer ne signifie pas partager la souveraineté.
Si la diplomatie se veut conciliante, le ton n’en a pas moins été tranchant. Emmanuel Macron a relativisé l’importance du débat sur la souveraineté, qualifiant les discussions à ce sujet de « picrocholines ». Une expression empruntée à Rabelais, qui suggère des querelles dérisoires ou disproportionnées. Une manière de ramener la dispute sur les îles à un enjeu secondaire face aux défis économiques de Madagascar. « Aider un pays qui a 80% de sa population sous le seuil de la pauvreté à réussir, c’est beaucoup plus important », a-t-il lancé, positionnant l’aide au développement comme une priorité bien plus légitime que des revendications territoriales, selon lui, sources de divisions inutiles. Et de rajouter que « ces Îles Eparses ne devraient pas être un sujet de différends entre la France et Madagascar ».
Forme de condescendance
En promettant de mettre à disposition la flotte française pour la protection des îles, le président français a insisté sur un rôle de gardien de la biodiversité plutôt que de puissance coloniale. « On protège ensemble. La France s’engage… », affirme-t-il, tout en évitant soigneusement de remettre en cause la souveraineté française sur ces territoires. Le refus de restitution est clair, mais la réponse est habillée d’un langage de coopération. Cette posture permet à Emmanuel Macron de préserver les intérêts stratégiques français dans l’océan Indien, tout en tentant de désamorcer les tensions avec Madagascar par un discours empreint de respect et de partenariat.
Cependant, la qualification des revendications malgaches de « picrocholines » pourrait être perçue à Antananarivo comme une forme de condescendance, voire une minimisation d’une cause perçue par le gouvernement comme une question de souveraineté nationale. En attendant le rendez-vous du 30 juin à Paris, la balle est dans le camp de la diplomatie. Mais pour les défenseurs de la souveraineté malgache sur les Îles Éparses, la ligne française reste inchangée : pas de restitution, mais un partenariat sous condition.
Rija R.