À Madagascar, la presse n’est toujours pas sortie de sa période critique, marquée par une pression croissante et un affaiblissement inquiétant des garde-fous institutionnels censés protéger le droit à l’information. Cette situation, selon l’Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar, Ilontsera, traduit une véritable crise de gouvernance de l’information dans le pays, avec un affaiblissement notable des mécanismes de soutien aux médias. Dans une déclaration rendue publique le 3 mai dernier à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Ilontsera tire la sonnette d’alarme et propose des mesures concrètes et urgentes pour préserver l’espace médiatique malgache et renforcer le rôle des journalistes dans la démocratie. Face à l’érosion progressive de la liberté d’expression et à la précarisation des médias, des solutions concrètes peuvent et doivent être envisagées pour inverser la tendance.
La première urgence soulignée par Ilontsera est juridique. Il est impératif de légiférer sur l’accès à l’information publique, estime cette organisation. En l’absence d’un cadre clair, les journalistes se heurtent à l’opacité administrative et s’exposent à des poursuites simplement pour avoir tenté d’informer. Instaurer un droit d’accès aux documents publics offrirait non seulement une garantie démocratique, mais permettrait aussi de sécuriser l’exercice du journalisme dans ses fonctions essentielles. Pour l’Observatoire, ce droit est un pilier fondamental d’une gouvernance transparente et responsable. Un avant-projet de loi sur l’accès à l’information à caractère public a été déjà élaboré par différents acteurs, dont le ministère de la Communication, sous l’initiative du Comité pour la sauvegarde de l’intégrité, en 2018, mais le projet de texte n’a jamais vu le jour jusqu’à présent malgré les différentes interpellations des professionnels de l’information.
Mais garantir l’information ne suffit pas : encore faut-il que les citoyens puissent l’analyser et en comprendre les enjeux. Ilontsera insiste, en effet, sur l’importance d’une éducation aux médias et à la pensée critique dès l’école. En formant les jeunes à décrypter l’information et à développer leur esprit critique, Madagascar pourra former une génération de citoyens éclairés, capables de faire face aux dérives informationnelles. Le renforcement des programmes de formation continue des journalistes est une autre priorité identifiée. Il s’agirait, selon Ilontsera, de créer des ponts entre les ONG, les universités et les réseaux régionaux ou continentaux, pour doter les professionnels des médias des outils nécessaires à la couverture de sujets sensibles tels que la démocratie, la citoyenneté, ou encore la gouvernance.
L’Observatoire Ilontsera appelle aussi à un soutien accru aux radios communautaires, qui jouent un rôle essentiel dans les zones rurales et isolées. Ces médias de proximité sont souvent les seuls vecteurs d’information pour une grande partie de la population, et participent pleinement à l’animation d’une écologie médiatique pluraliste. La liberté de la presse ne saurait se résumer à une date symbolique dans le calendrier. À Madagascar, elle est l’un des derniers remparts face à l’arbitraire. En cette Journée mondiale, l’heure n’est plus à la dénonciation seule, mais à l’adoption de mesures concrètes, pour garantir aux journalistes leur liberté, et aux citoyens leur droit fondamental à l’information.
Rija R.