
« Le rap est mort » bouleverse le milieu tananarivien
La vidéo d’un gars, tout à fait bien dans sa tête, gloire éteinte du rap local mais qui a su rebondir dans un genre plus coloré aux rythmes africains déclarant la « mort du rap malgache », a suffi pour créer une vague de réactions dans le milieu de la culture urbaine tananarivienne. Pour résumer, son discours accuse le rap d’être délaissé par les organisateurs évènementiels, sans évolution, pratiqué par des gens fermés sur eux-mêmes.
A cause de ce déclin d’un genre musical, le gars et son acolyte se sont orientés vers des genres plus africains, plus proches de l’ouïe malgache. Surtout celles des bas-quartiers et des ruraux fêtards. A leur décharge, si la culture rap venait d’un milieu afro-américain, le gars permissif et son acolyte ont choisi le chemin le plus court, le soukouss, le coupé-décalé… venant d’une culture africaine, plus proche du pays. Comparer les deux, soit dit en passant, c’est permettre à Hitler d’avoir raison concernant une culture ou une civilisation supérieure à une autre.
Autant donc se permettre de faire un petit bilan du rap malgache. Sans équivoque, il a bien raison de soulever cette « mort », sans doute un bien gros mot, mais surtout cette inertie. Un essoufflement idéologique, des discours parfois peu affûtés, une science poussive de l’image au lieu d’une science de la conscience… Il faut tout de même admettre que certains groupes tentent de passer des messages « éveillés ». Seulement écoutés des fanbases, des familles, des proches et retraduits en mental des rues par les demi-sels des cours de récré.

Depuis l’époque Shao Boana et Da Hopp, loin de toute nostalgie, le rap n’a plus attiré les ados jusqu’à un public de trentenaire, voire plus. A cette époque, le rap était tout simplement une promesse. Celle qui allait bousculer les certitudes du vaste paysage musical. Il allait se transformer en objet politique. Il respirait le vent de cette jeunesse dont le parcours allait devenir la force productive et dirigeante du pays dans les années 2010. Tout le monde se souviendra de la performance de Shao Boana à Antsahamanitra en guest des sénégalais de Positive Black Soul en 2003.
Pour passer en quelques lignes l’histoire du rap, avant de devenir une musique mondialisée, ce style a vu le jour dans le Bronx à New York. Dans un quartier où la pauvreté remplaçait l’oxygène. La misère accompagnée d’un concentré musical latino-américain a été le meilleur mix pour créer un mouvement que le gourou « Grandmaster Flash » a réussi à transcender. Ensuite sont apparus les labels comme « Sugarhill », « Tommy Boy », « Profile » etc… 1985 a révolutionné cette musique avec le titre « The message » de Grandmaster Flash.
Le rap se socialise, se politise et gagne ses lettres de noblesse dans le paysage musical afro-américain au même titre que le blues, le negro spirituals, le jazz, le funk, la soul… Une forme accomplie d’art noir. Il lui a donc fallu trouver le message libérateur. L’Amérique des « blacks » sortit enfin de l’aspiration profonde anti-ségrégationniste des Martin Luther King et Malcolm X, tous les deux assassinés. Il est sans doute temps de se demander si le rap malgache ne ferait pas mieux de retourner sur les pas originels.
La force première du rap a été de fustiger les inégalités par rapport aux noirs américains. Les rappeurs emprisonnés ou censurés pour cette cause sont les héros immuables de toutes les générations afro-américaines. Et dans un pays comme Madagascar, où les inégalités sont plus criardes que jamais, ne pas arriver à renouveler le discours hip- hop, ce serait presque un déni de la réalité.
Maminirina Rado